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JUSTICE
L'ombre d'Ali Touchent disparaît
Le Président Jean- Pierre Getti voulant sans doute mettre un point final au dossier Ali Touchent
qui empoisonne les débats de la Cour depuis une semaine, a décidé d'accéder à la requête de la
défense. Le tribunal a donc entendu les responsables de la Direction de la surveillance du territoire
(DST) et des Renseignements généraux (RG).
Tous deux ont nié à la barre, avoir employé Ali Touchent.
Selon eux, en 1993 " Tarek " n'était pas considéré par les services secrets français comme
étant un élément important du réseau.
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samedi 19 octobre 2002
Manuel Sanchez
Mis en ligne le :
28/10/2002
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C'est la première fois que des
hauts responsables des services de renseignement français se prononçaient publiquement
sur la rumeur concernant Ali Touchent qui voudrait qu'il ait été un agent double
voire triple qui aurait travaillé à la fois pour le Groupe islamique armé et pour
les services secrets français et algériens.
La fin du doute
En se rendant au tribunal mardi 8 octobre, ces deux hauts responsables savaient à quoi s'attendre
puisque cette question était sur toutes les lèvres :
Ali Touchent a-t-il été une taupe des services algériens, voire des services français ?
C'est avec calme et autorité que Jean-François Clair, le numéro 2 de la DST s'est expliqué et a répondu
aux questions de la cour et des avocats de la défense.
Il n'a pas hésité à remonter jusqu'à la " déchirure algérienne " intervenue suite à
l'arrêt du processus électoral en 1992 :
"Après l'interdiction du FIS, nous nous sommes tout de suite intéressés aux possibles
relais français des maquis armés algériens. Le risque de voir le GIA frapper en France est
apparu rapidement" a-t-il expliqué.
En ce qui concerne la rumeur selon laquelle Ali Touchent ait pu être une "taupe" des services
algériens et des services français, le responsable s'est indigné :
"Ca ne tient pas debout ". Jamais ses services n'auraient laissé se commettre des
attentats pour protéger une source.
"A supposer que M. Touchent ait été notre informateur, vous imaginez qu'on aurait laissé faire
des attentats après Saint-Michel contre nos intérêts ? On a une déontologie dans ce métier.
On protège nos sources, mais pas à ce point. M. Touchent n'a pas été notre informateur.
Nous avons une certaine déontologie, nous sommes là pour lutter contre le terrorisme "
a déclaré le numéro 2 de la DST.
Pour M. Clair, la réponse aux diverses interrogations est très simple : Ali Touchent n'attire pas
spécialement leur attention parce que "rien ne nous permettait de dire qu'Ali Touchent était dangereux".
Quant à ses services, ils l'ont effectivement interrogé en 1992 mais comme il le font avec de
nombreux étudiants étrangers.
Ali Touchent explique-t-il avait été repéré "parmi des dizaines de gens de la mosquée
Jean-Pierre-Timbaud" à Paris, mais il "n'a pas été retenu parmi les 84 objectifs de l'opération
Chrysanthèmes" réalisée en milieu intégriste, le 9 novembre 1993.
"Il n'était rien du tout jusqu'à ce qu'on en parle après les arrestations.
Nous n'avions rien contre lui avant 1995. C'était pas l'individu lambda, mais presque !" assure-t-il.
C'est seulement à l'issue des attentats et des arrestations que son nom va apparaître affirme ce haut
responsable.
Début novembre, Ali Touchent est en effet, nommé par Bensaïd mais sous l'alias de " Tarek ".
La DST ne sait pas qu'il s'agit d'Ali Touchent.
Le service a alors cherché à savoir qui était ce Tarek et toujours selon M. Clair, elle a
récupéré des services hollandais et belges, des photos de filature d'un type du GIA surnommé Nacer ou
Tarek.
Ce sont ces clichés qui ont été versés " sans nom " dans les albums qui ont été présentés à
Bensaïd et consorts.
Puis le 12, le nom d'Ali Touchent est de nouveau prononcé par
"Safé Bourada qui, lui, avait la chance de savoir que Tarek s'appelait Ali Touchent" raconte le policier.
Mais pourquoi Ali Touchent a pu échapper à la police "en Hollande, en Belgique, en région lyonnaise
et parisienne" s'étonne Me Van der Meulen.
Le directeur adjoint de la DST, un peu piqué au vif répond "ça, je le prends pour nous"
avant d'ajouter,
ce dernier n'a jamais été arrêté et pourtant "on l'a cherché partout",
répète-t-il toujours parfaitement calme et à l'aise :
"On a surveillé tous les gens de sa famille ici, on a même vu son frère Karim pour la régularisation
de ses papiers. Il dit qu'on l'a menacé, mais pour avoir des papiers, il faut faire preuve
d'attachement ici. On a cherché Tarek en Albanie, en Malaisie, en Algérie où on a travaillé de
notre côté. On ne peut pas dire que la DST a été intoxiquée par les services algériens car on avait
une double filière."
Me Van der Meulen, l'avocat de Belkacem l'interrompt pour exposer sa propre thèse:
"L'hypothèse selon laquelle les attentats commis par les GIA auraient été télécommandés par les
services algériens, cela a été évoqué au procès du général Nezzar. Est-ce une mise en cause sérieuse ?
Est-ce une donnée de travail pour vous ?".
Pour M. Clair, cet argument est sans fondement :
"Les services algériens ont été très coopératifs. Nous avions le même intérêt. Ils nous ont alertés
des menaces d'action en France dès février 1995, ils nous ont permis d'identifier certains auteurs,
dont Boualem Bensaïd après que mes services aient intercepté l'un de ses appels à sa famille en Algérie.
Ces accusations viennent d'officiers déçus, de gens du FIS et d'anciens politiciens qui ont des
comptes à régler".
Les réponses du responsable de la DST sortent sans aucune hésitation.
"Etiez-vous sûrs de la fiabilité de leurs renseignements ?", reprend Me Barbe.
"Bien sûr, nous faisions le tri dans ce qu'ils nous donnaient. Ils voyaient des terroristes partout.
On n'a jamais été dupes" assure le fonctionnaire.
L'avocat de Belkacem reprend: "Comment expliquez-vous qu'autant de spécialistes de la question
algérienne et du terrorisme aient pu soulever cette hypothèse dans des ouvrages ?"
La réponse est fort simple : "Les journalistes cherchent, mais n'ont pas tous les éléments que
nous détenons."
Bernard Squarcini, n°2 des RG, a également jugé qu'il n'existait rien qui permettait de dire
qu'Ali Touchent ait travaillé pour les services secrets français ou algériens.
"Je ne sais pas sur quelles preuves flagrantes pourraient être basée une telle affirmation", a-t-il dit.
Quant à la fameuse guerre des polices : il nie. Il n'y a eu aucun problème entre les services
français de police et de renseignements. Ils ont parfaitement collaboré.
Preuve en est qu'il ne leur a fallu que quatre mois pour arrêter les poseurs de bombes.
En 1986, il avait fallu plus de treize mois avant que les auteurs ne soient interpellés explique-t-il.
M.Squarcini confirme qu'en 1993, Ali Touchent
" n'était pas un personnage intéressant. Avant 1995, c'était pas l'individu lambda mais presque.
Si on l'avait arrêté en 1993, il aurait été relaché car ce n'était pas quelqu'un qui présentait
alors un quelconque intérêt. "
C'est Safé Bourada, un membre des réseaux islamistes, qui a permis
" d'identifier l'homme avec son pseudonyme le 12 novembre 1995 " confirme également,
Bernard Squarcini.
La défense devant les arguments avancés préfèrent battre en retraite.
Les hauts responsables des services de renseignements français peuvent être satisfaits.
"Il n'y a plus de questions ?" demande le président qui retrouve peu à peu le sourire.
Non! la défense n'a plus de question.
Une page du procès des deux responsables présumés des attentats de 1995 s'est sans doute tournée,
ce mardi 8 octobre.
Après l'audition des deux hauts fonctionnaires français, le doute semblait finalement dissipé et
l'ombre d'Ali Touchent enfin mise en pleine lumière pouvait s'effacer pour laisser la place aux deux
hommes présents dans le boxe : Belkacem et Bensaïd. Et c'est tant mieux pour les victimes et
la partie civile!
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