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JUSTICE
Deux hommes devant leurs juges

C'est un procès important qui s'est ouvert mardi 1er octobre devant la cour d'assises spéciale de Paris(1) et qui doit se terminer le 31 octobre. Dans le box des accusés, deux hommes seulement : Boualem Bensaïd et Smaïn Belkacem. Manque à l'appel, trois hommes : le financier du réseau, Rachid Ramda que la justice britannique refuse d'extrader, ainsi que les deux commanditaires qui ne pourront quant à eux jamais être jugés : le chef suprême du GIA Djamel Zitouni, tué en Algérie après les faits, ainsi qu'Ali Touchent, le lieutenant que D.Zitouni aurait envoyé en Europe pour l'exécution de ses projets et qui serait mort lui aussi, en Algérie.

(1) la cour d'assises spéciale est une juridiction d'exception créée en 1986 et qui est composée de 7 juges professionnels. Elle est compétente pour examiner les dossiers criminels liés aux affaires de terrorisme.




Mercredi 2 octobre 2002.

Marie-hélène Mino

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Boualem Bensaïd, s'il ne nie pas son appartenance au GIA qu'il" revendique", admet son avocat Maître Guillaume Barbe, conteste cependant, tous les faits qui lui sont reprochés et notamment celui d'être le coordinateur des attentats.

  Les deux hommes assis dans le box des accusés appartiennent tous les deux au Groupe islamique armé algérien qui a par ailleurs revendiqué ces attentats. Le GIA avait décidé de punir la France d'une part, pour son soutien au régime d'Alger et d'autre part, pour venger le commando qui avait été tué à Marseille par le GIGN, lors du détournement de l'airbus d'Air France en décembre 1994. Le dernier attentat imputé aux islamistes algériens en France est survenu le 3 décembre 1996, dans une rame de RER, à la station Port-Royal. Il a fait quatre morts et des dizaines de blessés. Il n'a pas été revendiqué et aucun suspect n'a encore été arrêté.
Boualem Bensaïd et Smaïn Belkacem sont actuellement sous les verrous : le premier a été condamné le 17 novembre 2000 à 30 années de réclusion criminelle pour sa participation à la tentative d'attentat contre le TGV Paris-Lyon. le second à 10 ans d'emprisonnement pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes", le 17 novembre 2000.

Boualem Bensaïd : le coordinateur du réseau :

Il doit aujourd'hui, répondre comme auteur principal présumé de deux attentats :
    -Celui du 25 juillet 1995, à la station Saint Michel.
    Ce jour là, une bonbonne de gaz explose dans un wagon du RER. L'attentat fera huit morts et 150 blessés dont onze personnes amputées. Il est accusé d'avoir déposé la bombe.
    -Celui du 6 octobre 1995, le jour des obsèques de Khaled Kelkal.
    Là aussi, une bonbonne de gaz recouverte de rubans adhésifs et dissimulée dans une poubelle explose près de la station de métro "Maison Blanche" au moment où les forces de police installent un périmètre de sécurité. Elle fera 18 blessés dont 9 fonctionnaires. Il est accusé d'avoir déposé la bombe en compagnie d'Ali Touchent.
Quelques jours plus tard, les policiers l'arrêtent dans un cabine téléphonique près de chez lui alors qu'il est en contact avec un groupe de Lilles qui prépare un attentat sur un marché. Boualem Bensaïd est un algérien envoyé par le GIA qui serait arrivé en France fin juin 95 avec pour mission de coordonner les activités du réseau. Son arrestation le 1er novembre 1995, mettra d'ailleurs, un terme à la vague d'attentats.

Lors de ses précédents procès, les psychiatres n'avaient relevé aucune anomalie mentale chez cet homme de 34 ans, mais le décrivaient toutefois comme un homme endoctriné : ses convictions étant "répétées dans des formules sommaires floues et identiques, sans développement discursif, ni argumenté". Ils ont également souligné que "ses capacités d'abstraction et de conceptualisation n'étaient pas développées".

Boualem Bensaïd, s'il ne nie pas son appartenance au GIA qu'il" revendique", admet son avocat Maître Guillaume Barbe, conteste cependant, tous les faits qui lui sont reprochés et notamment celui d'être le coordinateur des attentats.
Pour son défenseur, si son client à reconnu " un certain nombre de choses en garde à vue " ces révélations ont été faites " après avoir été tabassé". Mais précise-t-il "Durant l'instruction, il n'a répondu à aucune des questions que lui a posées le juge ".

Cependant, la tâche de Maître Barbe ne sera pas facile. En effet, dans le dossier du métro Maison Blanche, une des empreintes de son client a été découverte après l'explosion, sur un bout d'adhésif qui recouvrait la bombe.
Quant au dossier du RER St Michel, si on ne retrouve pas de preuves matérielles, les enquêteurs ont découvert dans des cahiers appartenant à M.Bensaïd, des " repérages " des lieux effectués avant les attentats ainsi qu'une somme d'argent virée de Londres par Rachid Ramda, avec lequel il avait d'autre part, de nombreux contacts téléphoniques.

Ali Belkacem : l'artificier

Cet algérien de 34 ans à l'identité incertaine comparaît quant à lui, pour l'attentat du RER de la station Musée d'Orsay, le 17 octobre 1995. Boualem Bensaïd est d'ailleurs accusé de complicité dans ce dossier. Ce jour là, une bonbonne explose dans un wagon faisant 26 blessés dont sept grièvement. Ali Belkacem est soupçonné également d'avoir monté un réseau terroriste dans le Nord, sur l'ordre de Boualem Bensaïd, réseau qui s'apprêtait à déposer une bombe sur un marché de Lille lorsqu'il a été démantelé en novembre 1995. Dans ce dossier, la défense aura sans doute bien des difficultés à défendre son client. En effet, un coupon de carte orange a été retrouvé sur l'accusé. Celui-ci démontre qu'Ali Belkacem est sorti de la station Javel, située à trois stations de celle du Musée d'Orsay, quelques minutes avant l'attentat. Plus bavard que son complice, il a reconnu devant le juge d'instruction avoir posé la bombe puis il s'est rétracté. En 1999, il avait déclaré à ses juges: "si c'est le djihad que vous appelez du terrorisme, l'islam que vous appelez association de malfaiteurs, alors je suis fier d'en être. Vous êtes le Mal, la source du Mal, vous irez en enfer".

Rachid Ramda : le grand argentier

Ce sera le grand absent de ce procès devant la cour d'assises spéciale de Paris. Le financier présumé du réseau terroriste a été arrêté en Angleterre, le 4 novembre 1995 et a été placé sous écrou extraditionnel à Londres. Depuis son arrestation, cet Algérien de 33 ans n'a jamais accepté de s'expliquer sur sa participation aux attentats Français. Trois mandats d'arrêts internationaux ont été déjà délivrés à son encontre et Jean-François Ricard, le juge antiterroriste l'a renvoyé en 2001 devant la cour d'assises, pour complicité dans les attentats du RER Saint-Michel, du RER Musée d'Orsay et du métro Maison Blanche. Mais voilà, cela fait bientôt 7 ans que la justice anglaise refuse de l'extrader.

Rachid Ramda est arrivé en Angleterre en 1993 en provenance du Pakistan. Son billet d'avion était établi sous une fausse identité, celle d'Elias Serbis. Les enquêteurs retrouveront ce faux nom dans la comptabilité de Boualem Bensaïd, Les policiers français ont également relevé de nombreux échanges téléphoniques entre Boualem Bensaïd et Ali Touchent avec Rachid Ramda, l'informant de "l'évolution de la campagne".
Mais les preuves essentielles ont été trouvées par l'"Anti-Terrorist-Branch" britannique qui le surveillait étroitement. Ainsi, le 16 octobre 1995, veille de l'attentat du RER Musée d'Orsay, M.Ramda effectue un virement de 38.000FF (5.793,06 euros) depuis une banque londonienne. Cette somme a été découverte au domicile parisien de M.Bensaïd avec un ticket de change daté du 16 octobre. A son domicile londonien, les policiers retrouvent des ordres écrits du GIA sur la campagne d'attentat ainsi que le texte d'un ultimatum adressé le 27 août 1995 par le GIA au président Jacques Chirac

Face à ces fortes présomptions, le ministère de la justice britannique décide en automne 2001, de l'extrader vers la France. Mais Rachid Ramda intente un recours devant la Haute Cour de Londres le 27 juin dernier. Et là stupeur! La justice anglaise se basant sur les déclarations effectuées par Boualem Bensaïd qui affirme avoir été malmené par les enquêteurs, estime que M.Ramda ne pourrait pas bénéficier d'un procès équitable en France et qu'il pourrait même être victime de violences policières. En vertu de quoi, la Cour annulera la décision du ministre.

Cette décision anglaise est insupportable pour les victimes, qui selon la fondatrice de SOS-Attentats, Françoise Ridetzki, " regrettent que tous les auteurs ne puissent pas être jugés parce que la Grande-Bretagne n'accepte aucune coopération judiciaire. " En outre, elle estime qu'il existe un risque réel de remise en liberté du financier : " car Rachid Ramda n'est accusé de rien au Royaume-Uni et sa détention de sept ans peut désormais être considérée comme illégale".

Dominique Perben, le Garde des sceaux qui n'avait pas commenté l'arrêt de la Haute Cour de Londres est sorti de son silence 6 jours avant l'ouverture du procès pour protester publiquement : "Je regrette très vivement que la Grande-Bretagne n'ait pas pris la décision d'extrader l'un des complices présumés de cette affaire. J'espère que nous n'attendrons pas indéfiniment. J'ai fait part d'une certaine impatience française par rapport à ce dossier" "a-t-il déclaré.

L'examen de la demande d'extradition doit reprendre le 23 novembre mais le système judiciaire britannique offre de nombreuses possibilités de recours. Rachid Ramda a déjà fait appel sept fois et il peut même s'il le désire aller jusqu'à la Chambre des Lords. Il pourra sans doute échapper pendant encore de nombreuses années à la justice française.
Il ne faut pas oublier que les chefs de réseaux terroristes conseillent à leurs hommes de mains de se rendre en Grande Bretagne en cas de difficulté pour pouvoir bénéficier de la protection juridique britannique. En fait, il semblerait que Londres ait décidé ne pas extrader Rachid Ramda pour éviter tout problème avec une communauté algérienne qui est très nombreuse ainsi qu'avec des leaders islamistes radicaux présents en nombre sur son sol dont le nombre est estimé à 200 sans compter les clandestins. En outre, il faut signaler que la plupart des idéologies religieuses sont présentes au sein des mosquées. Malgré un durcissement de sa politique migratoire, l'Angleterre reste bien une plaque tournante des mouvements extrémistes.

Le cas de Rachid Ramda a été disjoint des deux autres dès l'ouverture de l'audience et il devrait faire l'objet d'un autre procès. En attendant, il reste pour les magistrats à établir le degré de responsabilité de chacun des protagonistes et leurs avocats sont bien décidés à obtenir des éclaircissements sur des questions laissées selon eux, sans réponse notamment, sur le rôle exact du GIA algérien qui a revendiqué les attentats, ainsi que sur celui d'Ali Touchent qui n'a jamais été arrêté et qui est considéré aujourd'hui comme mort.

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