fidès
Fidès







Photos     Courrier    Forums    Service    Newsletter    Portfolio   
JUSTICE
la nature du GIA

Cette troisième journée d'audience le jeudi 3 octobre était surtout destinée à comprendre la cause de ces attentats. La cour d'Assises spéciale de Paris a longuement entendu des policiers venus expliquer la nature du GIA algérien, dirigé à l'époque par "l'émir" Djamel Zitouni qui a revendiqué les attentats. Une journée avec toujours en toile de fond, le fantôme d'Ali Touchent qui continue à peser sur les débats. Quant aux deux prévenus, Boualem Bensaïd et Smain Aït Ali Belkacem, s'ils ont reconnu leur appartenance au GIA, ils continuent de nier leur participation aux trois attentats parisiens.


Vendredi 4 octobre 2002.

Hamid Bellahcem

• Imprimer l'article
• Envoyer l'article

«Aujourd'hui il y a certainement encore des réseaux de soutien logistique en France mais le GIA n'a plus besoin de groupes structurés», estime M. Masson avant d'avertir: «Ce sont des choses qui peuvent changer à tout moment, bien sûr».

 

L'audition de Gérard Masson.

Au lendemain de la déposition de Roger Marion jugée très insatisfaisante, la cour a demandé à George Masson, commandant de police à la DNAT (Division nationale de l'antiterrorisme), des explications sur la nature du GIA. C'est ce dernier, qui pour les besoins de l'enquête a rédigé un rapport sur le groupe islamique armé.

Né en 1992, à la suite de l'interruption du processus électoral en Algérie, le GIA est dirigé en 1994 par Djamel Zitouni qui " nourrit une certaine haine à l'égard de la France " explique le policier. Il la considère comme "un pouvoir qui doit être combattu". Des sommes d'argent importantes transitent via des groupes écrans et des ONG douteuses et les combattants passent par les camps d'entraînement d'Afghanistan. "Il existe une structure à Peshawar au Pakistan, qui rassemble les volontaires pour le Jihad et qui perdurera jusqu'aux attentats du World Trade Center" aux Etats-Unis attribués à Al Qaïda ", précise-t-il.

Lorsque le GIA décide d'exporter sa guerre en France, les volontaires se font plus rares. Fin 94, Ali Touchent organise et structure les réseaux en Europe et en France tandis que Rachid Ramda, basé en Angleterre s'occupe du financement. En Algérie, deux hommes sont prêts : Ali Belkacem, un infirmier et Boualem Bensaïd, un professeur de sport, un élément prometteur. Le policier dessine de ce dernier un portrait sans concession : un homme déterminé, volontaire et scrupuleux. Il se présente devant les recrues françaises avec une "aura de guerrier et de combattant" précise encore le fonctionnaire de police. «Aujourd'hui il y a certainement encore des réseaux de soutien logistique en France mais le GIA n'a plus besoin de groupes structurés», estime M. Masson avant d'avertir: «Ce sont des choses qui peuvent changer à tout moment, bien sûr».

Le cas d'Ali Touchent est également évoqué, mais pour Gérard Masson, penser qu'il soit un agent double est " une ineptie ". Il tente plutôt de relativiser le rôle de Tarek qui n'aurait été qu'un " organisateur " parmi d'autres. Il admet que ce dernier avait un rôle important en Europe mais fait-il remarquer, les attentats en France débutent véritablement avec l'arrivée de Boualem Bensaïd. "L'aura et la détermination de Bensaïd sont importantes. On peut penser qu'il venait fédérer et organiser les attentats". Mais il admet malgré tout, n'avoir "aucune certitude formelle" sur le rôle des uns et des autres.

En fin d'audience, la cour se recentre sur les prévenus et examine les premiers éléments à charge contre les deux accusés. Il était temps car dans la salle, les victimes s'ennuient ferme, ces débats sans fin sur Ali Touchent n'apportent pas de réponse à une de leur question principale : pourquoi ces attentats?

Du côté du box, les paroles et les comportements ne sont guère apaisants :
A propos d'El Ansar, le journal officiel du GIA, qui annonce les actes terroristes et les célèbre une fois qu'ils sont accomplis, et qui publie également les communiqués du GIA qui attaquent violemment "la mécréance qui s'obstine à entrer en enfer". Ben Saïd interrogé sur ce journal déclare qu'il s'agit "d'un journal normal. Je le lisais comme tout le monde lit un journal». «Partagez-vous ses idées?» interroge le Président Getti. «Parfois je suis d'accord, parfois je ne suis pas d'accord». Assis près de lui, Ali Belkacem ricane.

Puis Bensaïd répète n'avoir rien à se reprocher. Au moment des attentats, il n'était même pas en France. Il n'est qu'une victime qui a été" tabassée " par des policiers désireux de lui extorquer des aveux. Il persiste à nier jusqu'à l'absurde. Ainsi, lorsque le Président lui demande : " c'est vous ? " en lui présentant des papiers trouvés sur lui lors de son arrestation à savoir, une carte d'identité avec sa photo, établie sous un faux nom, ainsi qu'une carte de transport de la RATP, munie elle aussi de sa photo, il répond :
"C'est une photo qui me ressemble."
"Je vous demande si c'est vous", insiste le président.
"Je ne sais pas, ça pourrait être moi"lance-t-il.
Ben Saïd préfère revenir sur ses propos de la veille où il avait reconnu être membre du GIA. " Je ne suis pas le GIA, je ne suis le pion de personne. " affirme-t-il.
Alors, le Président lui rappelle les pièces à charge contre lui et lui exhibe un petit carnet saisi lors de sa fouille contenant les numéros de téléphones de Rachid Ramda :
"Il est à vous, ce carnet ?"
"Ça remonte à trop loin, mais je crois l'avoir déjà vu", lâche-t-il du bout des lèvres.
Le magistrat lui rappelle alors, les coups de téléphone reçus par M.Ramda et qui émanaient curieusement d'une cabine située tout près de son domicile : " Qu'est-ce que j'ai à voir dans cette affaire ? La cabine, elle est pas à moi" répond-il en levant le ton. Le Président lui présente alors des pièces comptables saisies à son domicile et mentionnant des sommes d'un total de 168.890 francs reçues entre juillet et octobre 1995, c'est à dire à des dates correspondant aux attentats. L'une de ces sommes - 5.000 livres britanniques le 21 juillet 1995 - correspond au montant figurant sur un bordereau d'envoi de fonds saisi chez Rachid Ramda à Londres.
"Je suis complètement étranger à ce document. Je ne connais pas Rachid Ramda", déclare Boualem Bensaïd à la cour. Le magistrat lui remémore un coup de téléphone passé place de Barcelone juste après le retrait d'argent sur le portable de Rachid Ramda :
" La place de Barcelone, comme son nom l'indique, c'est une place, elle est à tout le monde avec ses différences !"
Entre les deux hommes le ton monte :
Ben Saïd exige du président qu'il lui lise tous les procès-verbaux. "C'est pas une enquête ça, c'est un truc d'enfant. Moi, ce que je veux, c'est des trucs avec des preuves !", ironise l'accusé.
"Ce ne sont pas des preuves, ça ! Mais qu'est-ce qu'il vous faut ?", s'exclame le président.
Le dialogue frise l'affrontement mais le magistrat poursuit son interrogatoire :
" Qu'êtes-vous venu faire en France ?"
"C'est mon problème. Je suis libre d'aller où je veux. Il n'y a aucune législation qui m'interdit de venir en France. Et puis parlez-moi calmement, je suis présumé innocent !"
"De quoi viviez-vous ?", reprend M. Getti.
"Ça, c'est une question à laquelle je préférerais ne pas répondre. C'est personnel, c'est mon problème."
"C'est le mien aussi", tranche sèchement le président.
Sur le banc des parties civiles on ne comprend toujours pas la raison de ces attentats et le père d'une victime est à bout. "Je ne tiens plus. Je vais faire une connerie. Mais j'irai à la barre, j'ai des choses à dire à Bensaïd".

Il faut reconnaître que le système de défense des deux hommes est très difficilement supportable pour les victimes. Pour le moment, elles parviennent néanmoins à conserver leur calme. Mais les débats de la semaine prochaine risquent d'être particulièrement difficiles : le tribunal devrait aborder l'attentat du RER Saint-Michel, qui reste l'attentat le plus meurtrier que la France ait connu depuis 30 ans. Il a fait 8 morts et 150 blessés dont certains ont du être amputés.
Vendredi, la cour doit examiner les premières synthèses réalisées par la police sur les trois attentats.

      Haut de page     


|Nous contacter|

|©Fidès| |Association loi de 1901| et
|Hébergée par I France|


   Sur le même sujet :
DOSSIER:
Les attentats de 1995


   FORUMS
Participez aux forums:
Les attentats de 1995

(Publicité)
L'HEBDO EN
PLUS