En effet, pour Jacques Chirac, il est prêt à tout et dit oui à tout :
Ainsi, il accepte de monter à la tribune de l'Assemblée Nationale pour réclamer une modification de la Constitution de 1958, (création de son propre père, Michel Debré) et plaide pour l'instauration du quinquennat.
Malgré ses réticences, il acquiesce à la volonté du Chef de l'Etat et enterre le RPR.
Si loyauté ne rime que très rarement avec le mot "politique", cet homme de 58 ans possède cette qualité rivée au corps car jamais il n'a déserté. Il fut de toutes les victoires mais aussi surtout, de toutes les défaites de son ami de toujours:
en 1995, lorsqu'Edouard Balladur se retrouve au zénith et Jacques Chirac isolé, il était là.
en 1997, après la dissolution malheureuse de l'Assemblée, il reste bien présent au côté d'un Président amoindri, défait et contesté.
Fidèle, il l'est même un peu trop, au point de devenir la " voix de Chirac" répétant mot pour mot tout ce qu'il veut au risque de paraître ingrat ou suffisant.
Celui dont on dit souvent qu'il est moins fin et moins brillant que son jumeau Bernard n'a certes pas beaucoup d'éloquence. Son ton est souvent trop grave, son regard un peu trop lointain. On le dit balourd mais au dire de ses amis, il sait vraiment être chaleureux, humain comme Chirac. Il nous faut donc chercher dans une pudeur excessive, l'explication de sa réserve. D'autres sont moins convaincus. Jean-Louis Debré serait "limité" avec un "esprit étroit"... Cette étiquette lui colle d'ailleurs à la peau.
Une réputation à l'épreuve des faits.
Néanmoins, cette réputation de "gaffeur" n'est pas qu'une invention.
Lorsqu'il était Ministre de l'Intérieur, il a commis de grossières bévues, des dérapages qui auraient pu le rayer définitivement de l'échiquier politique si Jacques Chirac n'était pas intervenu en sa faveur:
- En 1987, il publie "Le curieux", un roman policier dans lequel une prostituée s'appelle... Josiane Baladur (avec un seul l). En 1995, devenu Premier ministre, Edouard Balladur qui n'a rien oublié, le traitera de "personnage de seconde zone".
- En septembre 1995, c'est l'affaire Kelkhal dans laquelle fier d'être parvenu à démanteler un supposé réseau de terroristes islamistes, celui qui est alors le premier flic de France s'épanche un peu trop vite auprès de la presse. Il communique des preuves établissant la culpabilité du jeune beur avant qu'elles ne soient reconnues comme telles par la justice.
- Puis il y eut la fameuse conférence de presse d'opérette de Tralonca en janvier 1996 qui s'est tenue dans un maquis de Corse la veille de sa venue et où l'on pu voir plusieurs centaines de nationalistes portant des cagoules noires et largement armés, exposer des revendications auxquelles le ministre répondra dès le lendemain point par point. Cette mise en scène organisée de concert entre la place Beauvau et les responsables des attentats en Corse avait pour but d'annoncer une trève de trois mois. Sauf que l'ampleur du rassemblement (au moins 500 hommes) ainsi que l'arsenal exhibé devant les médias en toute impunité ont fortement choqué l'opinion publique qui vit dans cette réunion "programmée" une véritable provocation. Jean-Louis Debré est personnellement mis en cause car il apparaît très vite qu'il est impossible sans consigne officielle que 500 hommes armés puissent se déplacer en Corse la veille d'une visite ministérielle, sans éveiller l'attention des forces de police.
Alain Juppé, devant le scandale est alors obligé d'ouvrir une enquête judiciaire et les attentats reprennent de plus belle y compris dans sa vieille ville de Bordeaux dont il est Maire. Il en gardera toujours rancoeur au locataire de la place Beauvau.
- Quelques mois plus tard, en août 96, l'Eglise Saint Bernard est occupée par des sans-papiers. Jean-Louis Debré annonce que l'évacuation se fera "avec humanité et coeur" mais le lendemain à l'aube, l'Eglise résonne sous les coups de haches et de matraques.
- En avril 1997, lors d'une réunion de militants RPR à Tours, il lance : "Est-ce-que vous acceptez que des étrangers viennent chez vous, s'installent chez vous, ouvrent votre frigidaire et se servent ?". devant le tollé provoqué par ses propos, il devra se justifer et admettre quelques jours plus tard que cette phrase était "maladroite".
Certains de ses amis parmi les moins véhéments reconnaîtront qu'il "n'était pas à sa place à Beauvau!" d'autres ajouteront "ni dans aucun autre ministère".
Son accession au perchoir lui fera sans doute accepter les oublis dont il fut victime depuis la dernière élection présidentielle :
Jean-Louis Debré qui espérait obtenir le ministère de la Défense a été écarté du gouvernement Raffarin par Jacques Chirac.
La présidence de l'UMP lui a également échappé, le Président privilégiant Alain Juppé dont
il a toujours préféré les qualités intellectuelles. "Il a Juppé dans la peau" déplore d'ailleurs le délaissé.
Mardi, il a été enfin récompensé mais il lui reste à faire ses preuves puisqu'il est devenu, dorénavant le quatrième personnage de l'Etat.