L'histoire de Chérif Bouchelaleg n'est pas
unique.
En effet, le 22 août dernier, un père de famille turc de 38 ans, vivant régulièrement
en France depuis vingt-cinq ans a été expulsé vers Istanbul après avoir purgé sa peine de prison.
En 1998, Resul Kilica avait été condamné par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer,
à quatre ans d'emprisonnement et à 200 000 francs (30 500 euros) d'amende pour
"aide au séjour irrégulier d'un étranger en France ».
Il fut placé en rétention
administrative dès sa sortie de prison, suite à un arrêt d'expulsion signé le 10 décembre 2001,
par Daniel Vaillant (PS), le garde des sceaux de l'époque.
Les avocats de Resul n'ont cessé de dénoncer alors, une mesure «arbitraire» mais ils
ne furent pas entendus.
Ce père de quatre enfants fut expulsé
vers la Turquie.
Un passé agité
Chérif Bouchelaleg arrive en France à l'âge de onze ans dans le cadre
du regroupement familial. Dés la fin de son adolescence, ce jeune algérien fréquente un peu trop souvent,
les tribunaux et la prison.
Cinq condamnations sont prononcées contre lui, pour violences, refus d'obtempérer,
délit de fuite. Il s'y ajoute une condamnation douanière, pour importation d'héroïne
et de haschisch.
L'âge aidant, il semble s'assagir. Son mariage avec une française ainsi que la naissance de ses enfants
paraissent le calmer. Ebéniste, il travaille d'ailleurs,
très régulièrement.
Début 2001, il bascule soudainement et se bat avec un beau-frère. En juillet de la même année,
il se fait arrêter
lors d'une bagarre dans un bar et est condamné à quatorze mois de prison. Toutefois, les magistrats
au vu de sa situation familiale et de ses problèmes psychologiques
ne prononcent aucune interdiction de territoire. Il purge sa peine et suit en parallèle,
des soins psychiatriques.
Le Préfet saisit malgré tout, la commission d'expulsion qui en décembre rend un avis
défavorable. Le 11 juin dernier, le juge d'application des peines lui accorde une mise en liberté
conditionnelle pour bonne conduite avec interdiction de quitter le territoire
mais en maintenant toutefois, l'obligation de poursuivre les soins psychiatriques qu'il a débutés
lors de son incarcération.
Une mobilisation politique et associative
Une semaine après sa sortie de prison, considérant que sa présence
sur le territoire français constituait une menace à l'ordre public,
Chérif Bouchelaleg fait l'objet le 18 juin d'un arrêté d'expulsion,
signé par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, et ce, malgré l'avis
défavorable de la commission.
Le 2 juillet, il est interpellé sur son lieu de travail puis placé dans le centre de rétention
de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry en vue d'une reconduite en Algérie qui devait intervenir le 13 juillet.
Mais suite à un retard de l'Algérie dans la délivrance d'un laissez-passer son départ est retardé
Le 11 juillet, la Cour d'appel de Lyon le remet en liberté.
A la suite de l'intervention de plusieurs personnalités politiques mais aussi d'associations,
le ministère joue l'apaisement et ré-examine son dossier. L'arrêté d'expulsion est abrogé
le 16 juillet pour "motif de procédure".
Etienne Pinte, député-maire UMP de Versailles avait saisi Nicolas Sarkozy,
pour lui demander de ne pas le renvoyer : "En expulsant cet homme, une famille de six enfant serait
brisée" écrivait-il,
tandis que François Bayrou, Président de l'UDF intervenait publiquement dans le journal "Le monde" du 13 juillet
pour demander une réforme de la législation dans le "cadre d'une démarche humaine et de bon sens".
L'ancien Ministre Jack Lang, avait tenté lui aussi d'empêcher cette expulsion.
Le 5 août, le ministre confirmait que l'arrêté était abrogé
et que l'Algérien se verrait " prochainement remettre son titre de séjour valable
jusqu'au 21 septembre 2006".
Un dossier à rebondissements
Mais coup de théâtre, en septembre, le Préfet relance le dossier en mettant en doute
"la réalité de sa vie familiale". Une fois de plus, il saisit
la commission d'expulsion à la «demande orale du ministère» précise-t-il.
Cette version semble confirmée par une correspondance adressée à Etienne Pinte dans laquelle,
Nicolas Sarkozy l'informe de la mise en route d'une
seconde procédure d'expulsion à l'encontre de M.Bouchelaleg.
Le Ministre fait état dans ce courrier
d'une nouvelle condamnation tendant à prouver
la "réitération d'un comportement délinquant" et qui constitue le "motif
déterminant" l'incitant à revenir sur sa décision.
Il faut signaler que la nouvelle condamnation dont il s'agit ici,
a été prononcée en juin pour des faits antérieurs à savoir: une bagarre familiale avec un beau-frère.
Nicolas Sarkozy a précisé dans un communiqué, les raisons qui selon lui, justifiaient
la poursuite de
la procédure d'expulsion. L'abrogation du premier arrêté, le 16 juillet se fondait "sur un pur
motif de procédure" et "n'inférait en rien sur la décision sur le fond du dossier".
Notons qu'il n'est plus fait référence ici à une nouvelle condamnation de Chérif.
Selon le ministère de l'Intérieur, "M. Bouchelaleg, entré en France à l'âge de onze ans, est
très défavorablement connu des services de police et de gendarmerie".
Le cabinet du ministre précise en outre que depuis son arrivée en France, il a passé près de
la moitié de son existence en prison. "Depuis 1990, il a été condamné à sept reprises à des peines
de prison ferme pour vol, violation de domicile, faits de violence suivis d'une incapacité
supérieure à huit jours, violences aggravées, importation d'héroïne et de cannabis",
poursuit le cabinet du Ministre. En conclusion : "Ces circonstances justifient amplement la poursuite
de la procédure d'expulsion".
Jacques Debray, l'avocat de M.
Bouchelaleg, restait confiant, estimant alors, que la Commission
rendrait un avis "très certainement défavorable à cette expulsion" mais tout en
déplorant qu'il ne
soit donné qu'à
titre consultatif.
Le conseil de M.Bouchelaleg a eu raison de rester optimiste puisque le 14 septembre dernier,
la Commission rend un deuxième avis négatif dans lequel elle estime que : "depuis le 17
décembre 2001, M. Bouchelaleg n'a commis aucune nouvelle infraction et que sa présence
ne constitue plus une menace pour l'ordre public".
Le Ministre de l'intérieur a donc décidé d'être clément en l'assignant à résidence mais
sans abroger toutefois l'arrêté d'expulsion.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les sites associatifs suivants :
CICADE -
GISTI -
Une peine point barre -
MRAP
Il faut noter que ces associations organisent une vaste campagne avec comme objectif principal
de faire changer la loi. Cette campagne se terminera d'ailleurs le samedi 26 octobre à 13 heures par un
meeting national au Zénith de Paris.