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L'interdiction du territoire : les décisions judiciaires

Le principe est que le fait qu'un étranger commette un délit ne suffit pas à l'expulser du territoire français. C'est ce qui a été affirmé dans un arrêt du Conseil d'Etat du 21 janvier 1977 :" les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion ". Il faut que le comportement de l'intéressé représente une menace grave pour l'ordre public.
En outre, au moment où le préfet se prononce, cette menace doit être actuelle. Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé en 1996 qu'un étranger purgeant une peine de prison et n'étant libérable que dans plusieurs années ne peut constituer une menace grave pour l'ordre public




Samedi 14 septembre 2002

Ahmed Belkhacem

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La double peine est une condamnation complémentaire qui permet de punir une seconde fois, un étranger ayant purgé sa peine en l'expulsant du territoire français. Cette mesure toucherait des dizaines de milliers de familles.

 

Selon l'article 26 de l'ordonnance de 1945, une mesure d'expulsion ne peut être prononcée que s'il y a "urgence absolue" ou s'il existe "une menace grave pour l'ordre public" ou encore si cette mesure "constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique". Mais ces termes très vagues ne font l'objet d'aucune définition précise et restent donc soumis à l'interprétation des tribunaux

L'interprétation des juridictions administratives

L'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 définit des catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une expulsion (1). En pratique seuls sont vraiment protégés les personnes de moins de 18 ans, les jeunes arrivés en France avant l'âge de 10 ans. Pour les autres, ils sont expulsables dès lors qu'ils ont été condamnés à une peine de prison de cinq ans ferme.
L’Administration Pénitentiaire est invitée par le ministre de l’Intérieur à informer les préfectures de la situation des étrangers détenus arrivant à mi-peine afin qu’une procédure d’expulsion puisse être entamée à leur encontre.
Le cas échéant, une libération “ conditionnelle-expulsion ” peut être décidée par le Juge d’Application des Peines (JAP) “ sans le consentement ” de l’intéressé.

Dans un premier temps, le Conseil d'État a considéré trois délits pouvant relever de la sûreté de l'État et de la sécurité publique :

  • le terrorisme (7-05-1984)
  • le trafic de stupéfiant (24-05-1985)
  • l'espionnage (06.05.1988)
Au fil des années, d'autres délits se sont ajoutés à cette liste : ainsi par exemple, en 1987, une attitude violente et associale depuis de nombreuses années; en 1993, le viol et attentats à la pudeur avec violence ou surprise.
Les décisions rendues par les tribunaux sont très variables.
Ainsi, l'arrêt rendu par le tribunal administratif en novembre 2000, dans l'affaire Kérichi.
Cet algérien était entré en France en 1979, à l'âge de dix ans. Il fut plusieurs fois condamné pour vol avec violence en 1989, outrage à agent de la force publique en 1991 et a participé entre 1991 et juin 1993 à un trafic de stupéfiants pour lequel il a été condamné en 1994 à quatre ans d'emprisonnement dont un avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans. M. Kéchichi fut expulsé vers l'Algérie en janvier 1996, mais dés l'été 96, il était de retour sur le territoire français.
En mai 1998, il se soustrait à une nouvelle tentative d'exécution de la mesure d'expulsion. Le Tribunal a annulé l'arrêté d'expulsion aux motifs que:
"les parents et la quasi-totalité des frères et soeurs de M. D. résident en FRANCE ; que l'intéressé a épousé en 1991 une ressortissante de nationalité française dont il a eu un premier enfant en 1992 et dont il attendait un deuxième enfant à la date de la décision attaquée ; que l'existence d'une communauté de vie avec son épouse et leur enfant n'est pas contestée ; que le ministre de l'intérieur ne se prévaut d'aucun fait pour soutenir que M. D. constituait encore, à la date de la décision attaquée, une menace pour l'ordre public ".

De même en mai 2002, le tribunal administratif de Lyon a annulé un arrêté d'expulsion pris par le Ministère de l'intérieur. Dans cette affaire, il s'agissait d'un ressortissant marocain qui était entré en France à l'âge de 29 ans. Arrivé en France en janvier 1989, il commet un viol en mai de la même année. Il est alors condamné à une peine de 6 ans. Incarcéré du 5 novembre 1991 au 21 novembre 1994, il épouse en 1992, une ressortissante française. Le ministre de l'Intérieur signe en 1995, un arrêté d'expulsion. Le tribunal a considéré "qu'eu égard à l'ancienneté des faits qui lui ont été reprochés, à son comportement durant la période où il a régulièrement séjourné en France de 1997 à 2000, à la durée de son mariage avec une ressortissante française et à la naissance de la fille du couple en 1997, M. E est fondé à soutenir que les décisions attaquées portent à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises "

La Cour Européenne des Droits de l'homme

L'article 8-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales précise: " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
"Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé (...) "

Ainsi, la Cour européenne s'oppose à l'expulsion des étrangers ayant commis un délit, lorsqu'ils possèdent des liens sociaux et familiaux importants avec leur pays de résidence.
En particulier, la Cour estime que l'expulsion d'étrangers " de seconde génération " porte une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale" [arrêts : Moustaquim (18-02-1991), Beljoudi (28-03-1992), Nasri (13-07-1995)].

Ainsi dans l'affaire EZZOUHDI du 13 février 2001, la Cour Européenne a jugé que la mesure d'interdiction du territoire français était en l'espèce "disproportionnée aux buts légitimes poursuivis".

Dans cette affaire, Saïd Ezzoudhi, ressortissant marocain vivait en France depuis l'âge de cinq ans. Il avait fait l'objet de nombreuses condamnations pénales pour :
faits de détention, transport, acquisition et usage de stupéfiants (résine de cannabis), violences, outrages à personne dépositaire de l'autorité publique;
faits de dégradations et d'outrage.
En 1997, le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse le condamne à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois et à l'interdiction définitive du territoire national, pour infraction à la législation sur les stupéfiants en état de récidive légale.
La Cour d'appel porte sa peine à deux ans et confirme l'interdiction de territoire.
La Cour europénne a considéré qu'il avait eu violation de l'article 8 aux motifs que "le requérant est arrivé en France à l'âge de cinq ans et y a résidé régulièrement depuis". En outre, elle a relevé que "c'est en France qu'il a reçu son éducation et travaillé pendant plusieurs années. Sa mère, ses frères et ses soeurs habitent dans ce pays et son père y a vécu de nombreuses années jusqu'à son décès. L'essentiel de ses attaches familiales et sociales se trouve en France et il n'apparaît pas des indications fournies par le Gouvernement qu'il ait conservé avec son pays natal des liens autres que la seule nationalité."

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les sites associatifs suivants :

CICADE - GISTI - Une peine point barre - MRAP

Il faut noter que ces associations organisent une vaste campagne avec comme objectif principal de faire changer la loi. Cette campagne se terminera d'ailleurs le samedi 26 octobre à 13 heures par un meeting national au Zénith de Paris.

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