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SOCIÉTÉ
Le procès d'un homme presque ordinaire

Le procès de Louis Poirson (40 ans) s'est ouvert lundi 23 septembre dernier devant la Cour d'Assise d'Evreux. L'accusé devait répondre d'un double meurtre extrêmement violent et commis en août 1985 sur une retraitée et sa fille dans la ville de Douains.


Dimanche 22 septembre 2002.

Var Idrissa

Mis en ligne le : 19/10/2002

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"Bien sûr, dit Stéphane Bourgoin, il existe une culture de violence et de déconstruction de la famille propre aux Etats-Unis qui fait qu'il y en a plus là-bas qu'ailleurs. Mais c'est un phénomène universel."

 

Un passé judiciaire déjà chargé :

Pendant plus de deux heures, l'inculpé racontera par le menu comment les choses se sont passées ce fameux 30 août 1995. Ce jour là, Louis Poirson prend un café dans un bar de Chauffour lorsque les aboiements d'un chien le mettent soudainement hors de lui : "Un petit roquet s'est mis à aboyer, aboyer…et cela a commencé à me saouler doucement. Comme ça m'énervait, j'ai voulu casser des tombes. Je ne comprend pas que l'on dépense autant d'argent pour enterrer son chien". Décidé à se venger, il se rend au cimetière animalier de Douains pour y passer sa colère en cassant quelques " tombes ". Une fois sur place, il casse une des vitres du local technique pour y prendre un des outils entreposés. C'est à ce moment qu'il sera surpris par les deux femmes. "Je reconnais entièrement les faits. J'ai fait une grosse connerie. Ca n'aurait jamais dû arriver. C'est parce que la plus jeune a voulu prévenir les gendarmes que ça a dégénéré . Si la plus jeune n'avait pas insisté, il ne se serait rien passé. On ne peut pas dire que c'est la faute de la victime, mais si elle avait calmé le jeu ça ne se serait pas terminé comme ça".
En effet, Jeanine Villain, une retraitée de 67 ans, et sa fille Monique, une aide-soignante de 44 ans, domiciliées à Saint-Vincent-des-Bois dans l'Eure, se rendent sur la tombe de leur chienne, Babette. En sortant du cimetière, leurs routes vont malheureusement, croiser celle de Louis Poirson. Elles se rendent immédiatement compte de ce qui se passe. Une altercation éclate et Monique le menace d'appeler les gendarmes.
Louis Poirson est pris de panique à l'idée de retourner en prison. Il avouera avoir tout fait pour que la plus jeune se calme et qu'elle le laisse partir. Mais elle ne veut rien entendre. Il les menace alors avec un couteau "Je voulais juste leur faire peur, mais la jeune insistait toujours". Puis, il les ligote et les enferme dans le coffre de leur BX. Il roule "au hasard" pour s'éloigner le plus rapidement possible des lieux et "pour chercher un endroit tranquille où les relâcher". Il monte le ton lorsqu'il explique que: " si la vieille ne disait rien, la jeune insistait, insistait. Elle était butée...". Puis s'excusant du terme utilisé, il avouera comment les avoir tuées un peu plus loin dans un champ isolé. Il les fait descendre du coffre, les colle à terre. Il recouvre la tête de celle qui " ne voulait rien comprendre" d'un banal sac plastique et l'étouffe. Il frappe la mère d'un coup de bâton avant de l'étrangler. Une heure plus tard, il revient sur les lieux et asperge la voiture et les deux corps d'essence avant d'y mettre le feu pour ne pas laisser ses empreintes. Pour expliquer son acte, Louis Poirson parlera "d'une montée de tension" incontrôlable : "Un enchevêtrement s'est produit dans ma tête entre ces deux mots-clé, gendarmes et prison. Une personne sensée ne se serait pas énervée. J'ai réagi à l'inverse de ce qui aurait dû être".
Les corps des deux femmes seront retrouvés par deux promeneurs, quelques jours plus tard. Mais dans cette affaire, Poirson ne sera pas inquiété. Les enquêteurs dirigent leurs soupçons sur Michel Villain, 47 ans, fils et frère des deux victimes. Il sera d'ailleurs dénoncé par son propre fils de 24 ans, Christian. Immédiatement mis en examen, il passera trois ans en détention provisoire, période pendant laquelle, il ne cessera jamais de clamer son innocence. Michel Villain ne devra sa libération de prison qu'aux propres aveux de Louis Poirson. En effet, après le meurtre des deux femmes, ce dernier travaille dans une ferme des Yvelines. Mais en juin 1996, il enlève et séquestre trois auto-stoppeuses. Arrêté, il est condamné à trois ans de prison. Sa compagne dira au tribunal : "Il était si gentil, mais après sa deuxième sortie de prison, il n'était plus le même, il avait changé". A peine sorti, il s'en prend à Charlotte Berson, 79 ans, dont le corps sera retrouvé en septembre 1999 dans le Val-d'Oise. Il reprochait à cette dernière d'avoir tapé sur son capot de voiture. Le 3 mai 2000, Louis Poirson enlève une jeune fille de Mantes la Jolie et l'emmène à la ferme Où il travaille. Mais sa patronne le surprend et M.Poirson s'enfuit. Arrêté quelques heures plus tard, il est incarcéré à Bois d'Arcy. C'est au cours de ses nombreuses auditions, qu'il avouera le crime de Jeanine Villain et de sa fille ainsi que celui de Charlotte Berson. Mais les enquêteurs ne sont cependant pas au bout de leur surprise car en janvier 2001, il avoue le meurtre d'une quatrième femme, Lucie Phan, 73 ans. Cette dernière avait disparu fin avril 1999 d'une maison de retraite de Mantes-La-Jolie. Louis Poirson l'avait pris en stop mais la vieille femme ayant uriné dans sa voiture, il la tue. Grâce aux renseignements fournis par le meurtrier, les gendarmes de Versailles trouveront les ossements de la disparue dans un champs situé sur la commune de Chaufour-les-Bonnières (Yvelines).

Un homme quelconque :

Louis Poirson n'est pas bien grand, mince, tatoué, c'est un adepte de la musculation, complètement fasciné par Rambo. Ce fils, l'aîné de quatre enfants a été décrit par les témoins qui se sont succédés en des termes élogieux : un élève " motivé ", un employé " exemplaire ", un compagnon " prévenant ".
Le directeur du LEP se souvient d' "un élève très motivé et agréable à fréquenter". En 1980, il passe un CAP de navigation et devient marinier sur un pousseur du Rhin. Louis Poirson aimera beaucoup ce travail, et à la barre, son employeur vantera son comportement "exemplaire" et son travail "efficace et sérieux".
En 1982, il effectue son service national. Mais en raison d'une fracture au péroné, il ne pourra jamais devenir parachutiste (son rêve secret) et il est fortement déçu : "J'adore l'armée et je voulais devenir para-commando, pour les voyages, le sport et le combat".
Ses premières petites amies disent toutes en garder un bon souvenir. Micheline, qui a partagé sa vie durant quelques mois, a été stupéfaite d'apprendre ce qui lui était reproché. "Ce n'est pas la même personne qui s'est présentée à moi". Chantal, sa dernière compagne, le décrit comme un homme "prévenant" qui ne la laissait jamais "porter les courses".
Pourtant, Me Guylène Grimaud, l'avocate de l'inculpé, déclare que son client est "un être à double facette, tantôt gentil, tantôt effroyable". Les experts psychiatriques le présentent comme quelqu'un de spontané, direct, mais sans déficience intellectuelle. Pour ces deux spécialistes, l'accusé "qui a fait la preuve de sa dangerosité criminogène" ne souffre pas de "troubles psychiques majeurs".
Le docteur Jean-Marc Villon évoque l'incapacité de Louis Poirson à éviter "les situations très anxiogènes pour lui-même". Son collègue, Roland Coutenceau remarque qu'il ne tue pas "par plaisir" mais, à la suite "d'un conflit relativement banal qui dégénère (…) Louis Poirson présente tout de même d'importants troubles de la personnalité. Pour lui, le passage à l'acte est un exutoire à ses fantasmes, ses pulsions".
Quant à Louis Poirson, les mains dans le dos, il s'exprime devant les juges avec une certaine facilité et parle de lui avec aisance : ainsi, il évoque sa petite taille qui le complexait, sa passion pour l'armée et les paras. Il parle aussi des femmes qui ont croisé sa route et qu'il a tant aimées. Mais sa voix se fait plus dure et plus forte quand il évoque ses parents qu'il déteste ; son père surtout, un être violent. " Mon père ne cherchait pas à me comprendre. Avec lui, cela se réglait par des coups. Ma mère était une femme soumise... " Il évoque également, une éducation " trop rigide " qui l'aurait amené à se " renfermer " sur lui-même. Pourtant, lorsque le Président évoque les viols et les vols commis en 83-84, Louis Poirson reste sans voix et reconnaît difficilement une partie des faits notamment, des agressions de femmes dans des parking. Le ministère public requiert contre lui la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans en expliquant aux jurés "qu'ils devaient juger l'auteur d'un crime odieux" contre "des victimes qui n'ont eu qu'un seul tort, d'agacer et d'irriter Louis Poirson". Le pire étant pour le magistrat que tout "cela est parti d'un aboiement de chien et d'une vitre brisée".
Dans son réquisitoire, l'avocate générale, Aude Le Guilcher n'avait pas manqué de souligner le lourd passé judicaire de l'accusé, sa dangerosité ainsi que le risque important de récidive. "Il est rare de voir comparaître devant une cour d'assises un accusé au parcours judiciaire aussi chargé que celui de Louis Poirson".
L'avocate de l'accusé s'était élevée contre la sévérité du réquisitoire "C'est la peine capitale d'aujourd'hui, le maximum prévu par la loi. La peine demandée est manifestement excessive". Pour Me Guylène Grimault, son client est : " un homme capable de bonté, attachant et qui souffre de troubles", les jurés devant s'interroger pour : " comprendre ce qui s'est passé pour que l'accusé en arrive là".

Un coupable idéal :

Quant à Michel Villain qui suspecté à tort du meurtre de sa mère et de sa sœur est aujourd'hui partie civile dans ce procès, il a fait trois ans de prison pour rien et il veut obtenir réparation. "Aujourd'hui, je suis libre, l'autre a avoué. J'attend que la justice aille jusqu'au bout, le condamne et venge ma mère et ma soeur". Pendant toute l'enquête et dans sa cellule, Michel Villain n'avait eu de cesse de clamer son innocence . "De toute façon, cette enquête avait été bâclée depuis le début. Il leur fallait un coupable, c'était moi . A l'époque, je faisais un peu de trafic de voitures. J'avais des problèmes d'argent, j'étais le coupable idéal" regrette-t-il. Pendant ces trois ans, seule sa compagne Jacqueline n'a jamais douté de son innocence et aujourd'hui au tribunal, elle est encore à ses côtés : "De toute façon, ma vie a été brisée. Ces années de prison, je n'oublierai jamais et ça personne ne me les rendra" répète Michel d'une voix encore étouffée par les sanglots. De son fils Christian, il ne veut plus parler et pourtant, ce dernier est assis deux chaises à côté de lui, car lui aussi est partie civile dans ce procès. "Oui, mon fils m'a dénoncé pour une histoire d'héritage. Il voulait me soutirer de l'argent et à l'époque j'ai refusé". Pendant l'audience, les deux hommes ne se regardent pas, ils s'ignorent : "Mon fils n'existe plus. Mon fils est mort" avoue Michel Villain. Son avocat compte demander un million d'euros à la commission d'indemnisation.

Après deux jours de débats et deux heures et demie de délibération, les jurés ont condamné Louis Poirson à la réclusion criminelle à perpétuité mais ils ne l'ont pas assortie de la peine de sûreté réclamée par le parquet. Reste que dans quelques mois, il sera de nouveau jugé devant la cour d'assises des Yvelines pour les deux autres meurtres que la justice lui reproche et qu'il a avoués ceux de Charlotte Berson et de Lucie Phan.

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