M.le Premier ministre - Cher monsieur le Président, chers mesdames et messieurs les députés,
à chacune et chacun d'entre vous,
personnellement, j'adresse mes sincères félicitations pour la mission d'honneur et de
service qui vous a été confiée par les Françaises et les Français, lors des toutes
récentes élections législatives.
Les conditions sont maintenant réunies pour que le temps de l'action relaie le temps
des élections. Cette action doit être caractérisée par la lucidité, le courage et l'espoir.
La France est forte de ses projets, mais fragile dans son organisation; confiante dans
son avenir, méfiante quant à la politique. L'élection présidentielle a été un rendez-vous de vérité ...
Le groupe socialiste - 19 % !
M. le Premier ministre - ... Le 21 avril, les Françaises et les Français ont exprimé leur mécontentement.
L'impuissance politique a généré l'exaspération populaire. L'abstention, à ce niveau,
n'est plus de l'indifférence mais de la défiance. Un grand nombre de Français ont
reproché à la République de ne plus tenir ses promesses de liberté, d'égalité et de
fraternité.
Le 5 mai a témoigné aussi d'une vérité : la colère portait sur le fonctionnement de la
République et non contre ses valeurs.
Le projet de Jacques Chirac a été le rempart contre l'extrémisme et le centre de gravité
du rassemblement de tous les républicains.
Le Gouvernement que j'ai l'honneur de diriger, nommé par le Président de la
République, est originellement marqué par les deux grands messages de l'élection
présidentielle :
l'urgence d'une réponse aux attentes des citoyens et
l'exigence du
partage des valeurs républicaines.
Dans cette situation, la route est droite, mais la pente est forte. Je souhaiterais que s'instaurent des
relations républicaines de bon dialogue. Les institutions prévoient cette déclaration ; chacun
pourra y répondre. Je ne suis pas ici pour polémiquer, mais pour exposer la politique
générale du Gouvernement.
Une phrase du rapport de l'audit de la situation des finances publiques, que m'ont remis
MM. Bonnet et Nasse, trace la ligne du courage : « des réformes de fond sont
nécessaires, la simple recherche d'économies sans modifications de l'organisation et des
structures n'est plus à la dimension du problème ».
Pour la France du XXIe siècle, l'audace réformatrice est une question de destinée. La
demande de France est forte partout dans le monde, mais le monde ne nous attendra
pas.
Nous avons l'ambition de redonner l'espoir aux Français. La source de cet espoir est
dans l'unité nationale. Je ne souhaite pas faire de la division un principe
gouvernemental, je ne souhaite pas opposer les Français les uns aux autres, on ne
gouverne pas pour les villes contre les villages, pour les consommateurs contre les
éleveurs, pour les salariés contre les entreprises, pour les intérêts des uns contre les
intérêts des autres... Nous voulons gouverner dans l'intérêt de tous
M. Henri Emmanuelli - Vous ne gouvernez pas pour les smicards, c'est sûr !
M. le Premier ministre - Seule l'unité nationale et le partage de la République nous
permettront de surmonter individualisme et communautarisme, de dépasser les
égoïsmes et féodalités. La France a besoin aujourd'hui que chacun lui donne un peu de lui-même.
Cet appel à la cohésion nationale ne nie pas l'exigence du débat, au contraire. Et, si je
me réjouis de la qualité et de l'ampleur de la représentation de la majorité
présidentielle, je souhaite aussi que nous progressions dans la pratique des relations
républicaines avec l'opposition
La politique est une affaire de vérité, mais celle-ci n'est pas à sens unique. Il n'y a pas
un camp qui a toujours raison et un autre toujours tort. Nous avons chacun à défendre
notre conception de l'intérêt général.
« Le principe d'humanité » qui m'anime laisse toujours une place à l'autre, à l'avis
contraire. Cette démarche s'oppose à celle des certitudes faciles qui conduisent à des
décisions fragiles. Notre pays attend des décisions éclairées mais aussi des décisions
fermes. C'est ensemble que nous les élaborerons. Le Parlement est en effet le cœur de
notre démocratie, le lieu où tous les Français se sentent représentés, le lieu où est
pensé et défendu l'intérêt général.
Avec cette conviction, mon gouvernement rendra compte de son action au Parlement,
proposera les initiatives nécessaires pour que les objectifs soient tenus et s'engagera
chaque année sur la réalisation de ses objectifs.
Je sais aussi que le Parlement aspire à se moderniser pour tenir plus efficacement son
rôle et que les présidents des deux assemblées ont des idées précises et innovantes. Je
suis disponible pour discuter d'une telle réforme.
C'est donc avec vous que nous conduirons la France dans la direction tracée par le
chef de l'Etat.
Mon gouvernement s'est mis au travail sans attendre. Je souhaite qu'ensemble nous
puissions dès aujourd'hui, avec le début de cette session extraordinaire, commencer à
répondre aux attentes les plus pressantes des Français. Attentes légitimes, attentes importantes, car la vie des Français a changé.
Nos concitoyens assistent et participent à la mondialisation de l'économie. Ils sont
inquiets du terrorisme qui a frappé les Etats-Unis le 11 septembre 2001, et la France à
Karachi. Tandis que les problèmes se pensent à l'échelle mondiale, les changements
s'accompagnent de la multiplication des insécurités.
Insécurité physique d'abord. La violence est de plus en plus présente dans notre
société. Mais l'insécurité est aussi sociale, nombre de nos concitoyens étant confrontés
au chômage et à la précarité.
Plusieurs membres du groupe R. et C. - Jean-Marie Messier !
M. le Premier ministre - Vous ne me trouverez pas sur le terrain de la polémique.
Vous perdez votre temps.
Je disais donc que l'insécurité est aussi économique : l'ancrage de notre pays dans la
prospérité et la croissance demande une vigilance constante. Au-delà des difficultés de
tous les jours, c'est aussi de leur identité que les Français ne sont plus sûrs : où va la
France aujourd'hui ? Quelle place auront les valeurs fondamentales de la République
dans la France de demain ?
La vie des Français est devenue compliquée, et l'Etat n'a pas contribué à la simplifier :
avec des lois trop nombreuses, une intervention trop fréquente, des procédures
complexes qui nuisent aux énergies individuelles et collectives.
La première mission de mon gouvernement sera donc de simplifier la vie des Français.
Notre projet est celui d'une France porteuse d'un nouvel humanisme.
Quand la France doute de sa place dans le monde, elle doit revenir à sa source
d'excellence : la pensée. Le poids de la France sur le monde a toujours été lié à la force
de ses idées.
A l'époque de la « grande déclaration » la France a proposé au monde une certaine
idée de l'humanisme. Aujourd'hui dans le contexte inédit de la mondialisation, nous ne
sommes pas condamnés au silence ou à l'impuissance, la France a le devoir de dire son
espérance. Celle d'un monde qui sait associer le respect de la diversité des cultures et
néanmoins le souci de l'universel, le culte de l'intelligence, de l'excellence et de la
performance, mais aussi le respect des traditions et le souci des plus faibles, ceux que
la société a blessés. C'est ça, le projet de la France, c'est ça le projet d'un nouvel
humanisme.
La politique a trop dérivé vers son aval, la technique, en mésestimant son amont, la
pensée, pour
rassurer les citoyens exposés aux angoisses de l'avenir. Dans la mondialisation que
nous vivons, les réponses de la France ne sont pas celles du gigantisme ou de la
concentration, de la standardisation ou de la banalisation. Notre réponse est celle de la
création, celle de l'intelligence et du talent, celle de la solidarité et de la générosité,
celle de l'innovation et de la qualité. Le label pour l'agriculteur,
la qualité pour l'artisan, le brevet pour l'industriel, l'émotion pour l'association, la
solidarité pour le militant, la singularité pour l'artiste... voilà les signes de notre avenir.
En fait, il s'agit de placer l'homme au centre de notre projet. Il doit rester l'origine de
notre pensée plutôt que l'objet de notre société.
Ce nouvel humanisme peut être une maison aux quatre colonnes, un projet à quatre
piliers.
Le premier pilier, c'est l'Etat, un Etat attentif, pas trop dispersé, qui doit se recentrer
sur ses missions régaliennes et restaurer ce qu'on attend de lui : l'autorité républicaine.
Deuxième pilier : la République en partage. La République n'a pas su assez partager
ses responsabilités. Le renouveau de la démocratie sociale et la relance de la
démocratie locale nous permettront de donner plus de vie à nos valeurs républicaines.
Il faut oxygéner et partager la République pour que chacun y trouve sa place. La
République des proximités rapprochera les Français des décisions qui les concernent.
Troisième pilier : la France créative. La valeur de création que la France doit
promouvoir est tout autant économique que sociale et culturelle. Il s'agit de libérer
toutes les forces vives de notre pays, de privilégier toutes les valeurs ajoutées.
Quatrième pilier : la mondialisation humanisée. L'insécurité du monde est évidemment
liée à la question du développement. L'aide au développement, mais aussi l'exigence de
la protection de la planète, sont des messages que porte avec force notre Président. La
construction européenne nous aidera, tel un multiplicateur d'influence, à humaniser la
mondialisation. La France doit pour cela porter un message fort et clair en Europe.
C'est dans cette perspective d'un nouvel humanisme français que nous tiendrons les
engagements pris devant le peuple par le Président de la République. C'est le contrat
qui nous lie. En cinq ans, nous pouvons rendre la France plus humaine. Je compte sur
votre soutien comme vous pouvez compter sur mon engagement.
M. Christian Bataille - C'est Joseph Prudhomme !
M. le Président Jean-Louis Debré - Prenons dès maintenant de bonnes habitudes.
M. le Premier Ministre - Le premier pilier sur lequel notre politique doit reposer : c'est
un Etat dont il faut restaurer l'autorité pour construire une France sûre et une France
sûre d'elle-même. Je suis résolu à donner à l'Etat les moyens d'assurer avec efficacité la
sécurité, la justice et la défense de nos concitoyens.
La première liberté, c'est la sécurité. L'insécurité mine le moral de nos concitoyens,
obère leur confiance dans les institutions de la République, affaiblit notre pacte
républicain et va, dans certains lieux de la République, jusqu'à menacer la cohésion de notre nation.
Le groupe socialiste - L'Elysée !
M. le Premier Ministre - L'insécurité est la
première des inégalités : ce sont toujours les plus faibles qui sont les premiers atteints. Nous avons entendu l'appel des Français.
Avec le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, nous
voulons faire reculer l'insécurité en mobilisant tous les moyens de l'Etat.
Nous vous proposons un effort sans précédent pour organiser la synergie des moyens
de l'Etat. Le conseil de sécurité intérieure, le rapprochement sous une autorité
fonctionnelle unique des policiers et des gendarmes, les groupements d'intervention
régionaux procèdent de cette logique.
Dans le prolongement des mesures déjà prises, vous serez saisis dans les tout
prochains jours d'un projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure. Il donnera à nos forces de sécurité, auxquelles je tiens à rendre hommage,
les moyens d'assumer pleinement leurs missions, avec notamment 13 500 nouveaux
emplois sur cinq ans pour la police et la gendarmerie.
Elle s'accompagnera d'une volonté affirmée de faciliter le travail des policiers et des
gendarmes, sans porter atteinte aux droits de la défense, ni au principe de la
présomption d'innocence. Elle organisera une déconcentration réelle des
responsabilités, accompagnée de la fixation d'objectifs et de procédures d'évaluation
précises - car les progrès viendront de l'évaluation. Elle reposera enfin sur un effort
budgétaire de grande ampleur.
L'autorité de l'Etat, c'est aussi une justice sereine, efficace, simple et rapide. Notre
système judiciaire ne répond pas suffisamment à la demande de droit. Sa lenteur irrite
nos concitoyens. Sa complexité les décourage.
La justice doit être à la fois plus effective et plus proche du citoyen.
Tel est l'objet du projet de loi d'orientation et de programmation que j'ai demandé au
Garde des Sceaux, ministre de la justice, de vous présenter sans attendre.
Il se traduira par un renforcement très significatif des moyens des juridictions en
crédits, en équipements et en emplois - plus de dix mille emplois en cinq ans.
Les juridictions judiciaires et administratives bénéficieront de moyens sans précédent
afin que les délais de traitement des dossiers soient fortement réduits.
La création de centres éducatifs fermés donnera davantage d'efficacité à la lutte contre
la délinquance des mineurs.
Je souhaite que la réponse apportée à cette délinquance soit ferme mais humaine. Je suis
attaché à ce que le Gouvernement traite les problèmes avec le souci de toujours s'en
tenir à une approche respectueuse de la personne. Il ne s'agit pas de rentrer dans une
logique du « tout répressif » : on proposera en effet aux jeunes placés dans ces centres
fermés une réponse éducative spécifique. Si nous disons non à l'impunité, nous
voulons un système qui donne aux jeunes ayant perdu leurs repères une chance de se
réconcilier avec la société.
L'ordonnance de 1945 sera adaptée à cette fin.
Je vous proposerai également d'améliorer et de simplifier la procédure pénale. Une
véritable justice de proximité sera mise en place à cette occasion. Le Garde des Sceaux
est particulièrement attentif à ce que soient affirmés les droits de la victime, et le projet
de loi de programmation comprendra des dispositions en ce sens (Mêmes
mouvements).
Pour reconstruire une France sûre, la défense de ses citoyens et de ses intérêts doit
être assurée partout où ils pourraient être menacés. Avec la professionnalisation de
nos armées, le Président de la République a décidé une réforme essentielle de notre
défense.
Il faut lui donner les moyens, car la France a le devoir d'adapter sa défense à un monde
qui change. Elle ne peut plus la concevoir en référence à un monde figé, mais doit la
déployer dans un monde multipolaire, mouvant et instable. Un monde où le terrorisme,
dans ses nouvelles dimensions, s'ajoute aux facteurs de risques déjà connus, tels que la
prolifération d'armes de destruction massive ou les tensions régionales, pour dessiner
un paysage stratégique encore plus incertain.
Notre défense doit être en phase avec ces évolutions tout en restant fidèle aux grands
principes qui ont présidé à sa conception. Comme le veut le chef de l'Etat, elle doit
être une défense autonome, non une défense solitaire. La référence de nos choix
militaires aussi bien que politiques est l'Europe. Ils seront cohérents avec la défense
européenne qui se construit. Mais la France doit conserver la capacité d'agir seule si
ses intérêts propres et ses engagements bilatéraux l'exigent.
Consciente de cet impératif, la ministre de la défense vous proposera une nouvelle loi
de programmation militaire avant la fin de l'année. Son objectif sera de restaurer la
disponibilité de nos matériels - ce qui signifie avoir des pièces de rechange pour nos
avions, afin qu'ils puissent fonctionner, de moderniser les équipements tout en consolidant la
professionnalisation de nos armées notamment par l'amélioration de la condition
militaire.
Cet objectif suppose enfin de maintenir les capacités industrielles clés pour la défense,
de développer avec ambition les coopérations européennes et de poursuivre
activement les restructurations nécessaires, notamment dans les domaines des
constructions navales et des armements terrestres.
Il suppose enfin que l'engagement des hommes et des femmes de notre défense,
comme celui du monde combattant, soit respecté par la nation.
Deuxième pilier de notre action : la République en partage.
L'autorité de l'Etat
restaurée, la République doit s'ouvrir à la démocratie sociale. Elle doit aussi faire
confiance à l'initiative locale, et établir la République des proximités.
S'ouvrir à la démocratie sociale, c'est mettre fin à un système qui met trop souvent
l'Etat et le citoyen directement face à face. Le dialogue social sera au cœur de l'action
du Gouvernement et les partenaires sociaux consultés avant toute initiative majeure de
l'Etat. Ils se verront reconnaître une autonomie pour définir par voie d'accord, et dans
le respect des principes fondamentaux de notre droit, les règles qui déterminent les
relations du travail.
Le Gouvernement souhaite conforter la légitimité des partenaires sociaux à agir. C'est
pourquoi je regarde avec beaucoup d'intérêt les initiatives prises par ces derniers pour
vivifier et améliorer la démocratie sociale.
Des partenaires sociaux forts et engagés sont en effet indispensables pour que puisse
se développer dans de bonnes conditions un dialogue social qui est, a mon sens, le
préalable nécessaire au règlement de nos dossiers majeurs.
Je serai amené à revenir sur l'importance du dialogue social, mais je souhaite d'abord
vous parler de la formation professionnelle parce qu'elle détermine largement l'emploi
de demain.
Elle est la condition indispensable à l'accès d'un grand nombre de jeunes à la vie active.
Elle est aussi la seconde chance donnée à ceux qui veulent compléter leur formation
initiale. Elle est enfin nécessaire à chacun pour s'adapter tout au long de la vie aux
transformations des métiers.
Les conditions de l'activité changent. Si nous voulons ou si nous devons travailler plus
longtemps nous devrons nous former plus souvent. Les partenaires sociaux en ont déjà
pris conscience, en s'engageant dans une vaste négociation sur ce sujet. La réforme de
notre système de formation est nécessaire pour une meilleure efficacité et plus de
simplicité. Les régions en seront le pivot.
Notre ambition est de créer une véritable « assurance emploi » fondée sur un compte
personnel de formation et une validation des acquis professionnels
Le groupe socialiste - Nous l'avons fait !
M. le Premier Ministre - Dans ce domaine, il reste beaucoup à faire,
notamment pour donner à tous les salariés, y compris ceux des petites entreprises, la
même garantie face à l'emploi en matière de formation, de reconversion et de
reclassement. Ce chantier sera ouvert dès cet été, en visant un aboutissement rapide.
J'en viens aux retraites
Les groupes d'opposition - Ah !
M. le Premier Ministre - J'entends dans ce « Ah ! » comme un «
Enfin ! ». La sauvegarde de notre système, en effet, a été trop longtemps repoussée.
Le système actuel est menacé par le vieillissement de notre population. Le principe de
solidarité entre les générations exige la sauvegarde du régime par répartition pour
assurer un bon revenu à tous les retraités.
Le temps n'est plus à la création de nouvelles commissions ou à la rédaction de
nouveaux rapports. Le
temps est aujourd'hui à la prise de décisions après concertation.
Cette réforme, qui ne concernera pas les Français actuellement à la retraite, reposera
sur les principes suivants : elle doit aboutir à une plus grande équité entre les Français tout en tenant compte des
spécificités des différents statuts et de la diversité des situations, notamment
démographiques.
La liberté de choix sera assurée : la retraite à 60 ans, qui est un acquis social, ne sera
pas remise en cause, mais ceux qui souhaitent prolonger leur activité au-delà doivent pouvoir le faire
et augmenter ainsi leurs droits. Chacun
doit avoir la possibilité de compléter sa pension grâce à une incitation fiscale par un
revenu d'épargne. Les efforts nécessaires, car il y en aura, seront équitablement répartis, et
l'Etat y prendra sa part.
Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ouvrira ce chantier dès
l'automne. Chaque régime privé ou public fera l'objet d'un traitement spécifique selon
un calendrier approprié et des modalités à négocier au cas par cas.
Notre système de retraite est notre bien commun. Nous devons nous organiser pour
que les conditions de sa préservation soient réunies avant la fin du premier semestre
2003.
Quant à notre système de santé, il fait notre fierté mais il est aujourd'hui dans une
situation difficile, très difficile. Notre population demande de plus en plus de soins. Les progrès de la science
et de la médecine ne font que s'accélérer et, de ce côté, les espoirs - heureusement ! -
sont grands. Mais l'augmentation trop rapide des dépenses de santé fait planer une
sourde inquiétude sur l'avenir du système : les professionnels de santé nous disent
fortement qu'ils traversent une grave crise de confiance.
C'est un grand défi collectif qui nous est lancé. Je vous propose de travailler ensemble
à le relever : professionnels, gestionnaires et patients.
Fixer les priorités de notre action de santé publique est notre premier objectif. Un
cadre plus clair est nécessaire. Il doit viser à rééquilibrer les soins, la prévention et
l'éducation à la santé. Il doit être publiquement débattu et je souhaite solliciter le
Parlement pour qu'un débat approfondi oriente l'action publique en matière de santé.
Sans attendre, avec les professionnels, nous nous sommes attachés à renouer les fils
d'un dialogue distendu. C'est avec eux, que nous voulons rechercher des
comportements responsables et que nous voulons élaborer une gestion conjuguant
qualité des soins et optimisation des dépenses de l'assurance maladie.
Quant à l'hôpital, dont la situation suscite notre vive inquiétude, nous devons lui
redonner des perspectives et créer la souplesse nécessaire pour assurer à la fois la
proximité, la disponibilité permanente, le sens de l'accueil, la performance et la
sécurité. Cette action appelle des réponses nouvelles aux questions posées par la
démographie des professions de santé.
Nous mettrons en place une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie. Elle reposera sur trois principes. D'abord, une plus grande clarté
dans les rôles et dans les financements de l'Etat et de l'assurance maladie. Ensuite la
responsabilisation de tous. Enfin, la volonté d'une plus grande proximité avec les
citoyens : par une régionalisation accrue, nous favoriserons une prise en charge plus
cohérente et plus adaptée. Dans ce cadre, je souhaite que puisse être lancé un plan «
Hôpital 2007 » comme, en d'autres temps, a été lancé un plan « Universités 2000 ».
L'égal accès des Français aux soins sera conforté par une aide permettant à ceux de
nos compatriotes qui n'en ont pas, de bénéficier d'une mutuelle.
Notre objectif est d'éviter à la fois le rationnement des soins et la dérive incontrôlée et
inquiétante des dépenses. Par la responsabilité de chacun, nous devons éviter les
dépenses inutiles qui minent l'édifice auquel nous tenons tous, et, nous ferons en sorte
que les ressources que nous consacrons à notre santé et qui ne sont pas infinies, soient
mieux utilisées.
Avec le ministre de la santé, de la famille et des handicapés, je souhaite bâtir une
politique de santé moderne. C'est un champ prioritaire pour le nouvel humanisme que
nous défendons, et qui exige la préservation de nos solidarités. Il doit s'exprimer par la
lutte contre la précarité sociale.
Nous ne pouvons nous résoudre à laisser subsister dans notre pays des situations de
précarité extrême et d'exclusion. Elles ne sont pas acceptables surtout après plusieurs
années de croissance. La
secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion présentera, avant la fin de
2002, un programme d'action dans ce domaine.
Un débat parlementaire sur l'insertion sera organisé dans les prochains mois à
l'occasion des quinze ans de l'instauration du revenu minimum d'insertion. Nous
devons collectivement nous assurer que chaque bénéficiaire du RMI se voit proposer
un véritable contrat d'insertion.
Pour faire reculer l'exclusion qui mine notre société, nous comptons sur l'Etat mais
aussi et surtout sur les structures à taille humaine, les réseaux de proximité et la
famille, la famille qui est par essence le lieu de la fraternité et le creuset de la société.
C'est pourquoi notre politique de la famille sera ambitieuse.
Nous repenserons les dispositifs d'accueil de l'enfant pour créer l'allocation unique
d'accueil du jeune enfant. Elle sera accordée, que la mère travaille ou non, pour
garantir son libre choix.
Nous devons collectivement travailler à la prise en charge des personnes âgées et
étudier avec précision les difficultés liées à l'allocation personnalisée d'autonomie, dont
l'application pose de graves difficultés à de nombreux départements.
Enfin la loi de 1975 sur les personnes handicapées sera réformée pour répondre à une
légitime attente, celle du droit à la compensation du handicap.
Je souhaite aussi un effort particulier pour lutter contre toutes les formes de
discrimination, et nous trouverons un moyen juridique pour cela. Cet effort
s'accompagnera d'une politique d'immigration qui devra lutter avec la plus grande
fermeté contre les trafics de main d'œuvre et l'immigration illégale tout en favorisant
l'insertion des migrants légaux. Le dispositif du droit d'asile qui est à l'origine de nombreuses
situations illégales sera revu et les procédures seront accélérées.
Si j'entends renouveler la démocratie sociale, j'entends aussi donner une nouvelle place
à la démocratie locale. La démocratie locale, c'est plus de décentralisation, c'est une
décentralisation plus vivante, c'est une implication plus grande des citoyens par un
transfert de responsabilités au plus près du terrain, pour de meilleures décisions.
Mais la décentralisation c'est aussi un formidable levier pour la réforme de l'Etat. C'est
l'occasion et le moyen de faire les indispensables réformes de structure. C'est la
possibilité de retrouver une liberté d'action. C'est la faculté de répondre aux besoins
des Français.
Je vous propose donc une étape innovante de la décentralisation, fondée sur l'exigence
de cohérence et l'exigence de proximité. La cohérence, cela veut dire s'assurer que
l'ensemble national composé de l'Etat et des collectivités locales fonctionne de façon
harmonieuse en préservant l'égalité de tous devant la loi. Les disparités territoriales
sont trop fortes dans notre pays.
La cohérence doit assurer un aménagement du territoire équilibré et être l'instrument
de la solidarité entre les Français. C'est dans le dialogue entre l'Etat et la région que
s'exprime le mieux ce souci de cohérence. La proximité, c'est le champ d'action des
départements, des communes et de leurs groupements. Ce sont eux qui ont vocation à
assurer les services et à être maîtres d'ouvrage des équipements de proximité et du
développement local.
Cet ample mouvement de décentralisation permettra un nouveau transfert de
compétences au profit des collectivités, qui sera accompagné de transfert de
ressources correspondantes. Il permettra aussi une nouvelle distribution des rôles en repensant de
manière innovante la relation Etat-région pour plus de cohérence et plus d'efficacité.
Davantage de clarté dans la relation de proximité entre le département, les communes
et leurs groupements est nécessaire.
Nous encouragerons enfin les initiatives et la démocratie locale par l'ouverture d'un
droit à l'expérimentation.
Pour y parvenir, je vous propose une méthode et un calendrier. La méthode, c'est la
concertation, le pragmatisme et l'expérimentation. Il ne s'agit pas d'appliquer un
schéma idéologique ni de refaire des rapports, car beaucoup a déjà été écrit.
Je souhaite que cette réforme essentielle soit le fruit d'un débat national et que les
collectivités locales formulent elles-mêmes leurs propositions. C'est du terrain que
doivent jaillir les idées. L'expérimentation, c'est la pédagogie de la réforme et la clé de
son succès.
Dès maintenant, j'invite les régions à être audacieuses et à se porter candidates pour
expérimenter certains transferts de compétence dont j'ai l'intention de discuter la
nature et la portée avec les acteurs concernés. Je propose que les conseils régionaux
délibèrent sur le sujet et fassent part de leurs initiatives. Nous répondrons au cas par
cas aux expérimentations proposées.
Pour ce qui est du calendrier, en accord avec le Président de la République, un projet
de loi constitutionnelle sera présenté au Parlement dès l'automne. Il visera à inscrire la
Région dans la Constitution, à autoriser l'expérimentation locale, à favoriser la
coopération entre collectivités et à autoriser la mise en œuvre de référendums locaux.
Les questions spécifiques à l'outre-mer seront traitées à cette occasion.
A l'automne, sera aussi préparé un projet de loi qui comprendra un volet de transfert
de compétences immédiat et un autre traçant le cadre des expérimentations. Il s'agit
d'initier une nouvelle donne des responsabilités dans notre pays. Il s'agit de donner du
corps et une valeur juridique au principe de subsidiarité, de rapprocher le pouvoir de la
vie.
Enfin, je présenterai devant le Parlement un projet de refonte des textes liés à
l'intercommunalité, aux pays, aux agglomérations et à la démocratie de proximité. Je suis
comme vous un praticien des SCOT et autres objets administratifs mal identifiés. Il y a de bonnes idées dans certains de ces textes. Mais si ! Il faut simplement responsabiliser les acteurs
locaux et leur simplifier la tâche.
Ces nouveaux textes et l'application complète de la loi de janvier 2002 donneront à
nos compatriotes de Corse des chances nouvelles de développer les atouts spécifiques
de leur île. Le plan d'investissement fera l'objet de procédures efficaces et unifiées.
La relance de la décentralisation s'accompagnera d'une réforme de nos administrations
pour aller vers une vraie administration de services.
Les Français sont profondément attachés à leurs services publics. Ils ont raison. Ils en reconnaissent le
dévouement et la grande qualité. Et c'est précisément parce que nous croyons à notre
service public que nous devons nous poser les questions qui conditionnent son avenir.
Comment assurer aux Français le service public qu'ils attendent ? Comment impliquer les fonctionnaires dans la réussite des
réformes qu'ils souhaitent eux-mêmes ? Comment aboutir à un juste partage des
ressources entre le service public et le secteur privé ?
Dans nos services publics, le service est une valeur. L'administration de demain doit
être une administration de services. Elle doit concentrer ses efforts sur l'accueil,
notamment des plus démunis, des plus fragiles. Elle doit être présente là où les
Français l'attendent. Elle doit mettre en place des indicateurs d'efficacité qui
permettront d'améliorer sa gestion.
Cette administration de services, c'est d'abord une administration plus simple. Je vous
demanderai l'autorisation de légiférer par ordonnance pour simplifier nos législations
dans un certain nombre de domaines. Il ne s'agit bien sûr pas de toucher aux équilibres fondamentaux des
pouvoirs mais simplement de supprimer toutes les paperasseries, toutes les tracasseries
qui ont transformé l'ensemble des acteurs économiques et sociaux en bureaucrates
alors que l'on attend d'eux tout autre chose. Il faut que les fonctionnaires puissent se
consacrer vraiment au service public, à leur tâche qui les passionne. Ils doivent
pouvoir être les premiers militants de la République.
M. Jean-Pierre Brard - Pour les ordonnances, demandez conseil à M. Juppé.
M. le Premier ministre - Cette administration de services, c'est aussi un service garanti.
Dans certains secteurs, les voies d'un dialogue social plus suivi ont été ouvertes pour
prévenir les conflits et faire en sorte qu'ils ne conduisent qu'exceptionnellement à
l'interruption de service dont les usagers sont les victimes. Je demande aux responsables de nos
grands services publics qui n'y sont pas déjà parvenus, d'engager la discussion sur la
garantie du service avec tous les partenaires.
Une administration de services, c'est enfin une administration qui mobilise ses moyens
là où sont ses besoins. La fonction publique va connaître des évolutions importantes
au cours des prochaines années. L'évolution des territoires, le développement des
nouvelles technologies, les départs en retraite massifs de fonctionnaires, les attentes
nouvelles de nos concitoyens changent complètement la donne. Nous devons relever
ces défis en concentrant nos forces là où il y en a besoin.
L'évolution des effectifs de la fonction publique devra correspondre à ces besoins.
Tous les emplois ne seront pas systématiquement remplacés au fur et à mesure des
départs ; selon les secteurs, les effectifs seront accrus, stabilisés ou réduits.
Les réformes seront menées sous la responsabilité des ministres. Ils seront comptables
de leurs résultats, devant moi bien sûr, mais également devant vous.
Il convient enfin de renforcer la capacité de réflexion et de prospective de l'Etat, lequel
doit aussi être stratège : il lui incombe en effet d'évaluer sur le long terme les défis de
demain. Ses outils de prospective seront adaptés.
Le renforcement de la démocratie locale, c'est aussi l'aménagement des territoires, des
communes paisibles aux quartiers difficiles.
La démocratie locale repose aussi sur les solidarités qui s'organisent autour du
logement. L'Etat doit déployer une stratégie en la matière, mais c'est à l'échelon local,
avec les populations et les élus locaux que l'appréciation des besoins est la plus
pertinente. La politique du logement sera revue dans ce sens. Elle doit être résolument
décloisonnée, qu'il s'agisse de ses instruments de financement ou des solutions de
logement qu'elle peut proposer.
Ces actions en faveur du logement sont indissociables de la politique de la ville et j'ai
demandé au ministre délégué à la ville de donner davantage de cohérence à cette
politique. Reposant autant sur la gestion du bâti que sur les mesures de cohésion
sociale, elle doit définir un cadre contractuel négocié avec les élus locaux et les
bailleurs sociaux. Ce cadre sera la clé du renouveau des quartiers difficiles.
La politique de destruction des grands ensembles sera accélérée et nous étendrons les
zones franches urbaines : elles ont montré leur efficacité.
Faire vivre la démocratie locale, c'est aussi assurer la protection de l'environnement.
Pour être à la hauteur de l'enjeu, l'ambition de mon gouvernement sera de réconcilier,
protéger, informer et transmettre.
Réconcilier, c'est répondre aux nécessités du présent en ne compromettant pas les
ressources des générations à venir. Une gestion décentralisée et contractualisée de
notre patrimoine naturel sera mise en œuvre. Je souhaite fonder la gestion de la faune
sauvage et des espaces sur des données scientifiques établies et partagées et non sur
des invectives.
Protéger, c'est informer et prévenir. Dans l'esprit des Français, la crainte des
catastrophes technologiques et industrielles est à la mesure de leur caractère subit et
dévastateur, dont Toulouse porte encore les stigmates et les cicatrices. Une réponse
doit y être apportée. C'est le sens du projet de loi sur les risques technologiques qui
vous sera proposé dés l'automne prochain.
Pour transmettre cette exigence aux générations futures, dans la perspective tracée par
le Président de la République, une Charte de l'environnement sera élaborée d'ici juin
2003. Elle portera au niveau constitutionnel les principes fondamentaux du
développement durable.
Les préoccupations environnementales doivent être une dimension essentielle de toutes
les politiques publiques.
Dans le domaine de l'énergie, un grand débat public sera ouvert et suivi d'un projet de
loi d'orientation qui consacrera un rôle accru pour les énergies renouvelables, mais
aussi une place reconnue pour l'énergie nucléaire.
Les spécificités du nucléaire et les attentes des Français me conduisent à vous
demander de délibérer prochainement sur la transparence et la sûreté du nucléaire.
Trop longtemps promises, des mesures allant dans ce sens doivent être arrêtées dans
les meilleurs délais.
Notre politique des transports privilégiera elle aussi un développement soucieux de
l'environnement et de limitation des nuisances. Je pense aux grands projets
d'infrastructures dont les effets sur l'environnement et les hommes - à l'instar des
nuisances sonores à proximité des aéroports - devront faire l'objet d'une attention
accrue. Le cabotage et le ferroutage seront bien sûr prioritaires.
Favoriser les territoires, c'est mener une politique efficace et coordonnée dans les
secteurs qui les structurent, en particulier l'agriculture et la pêche.
Notre agriculture est aujourd'hui profondément inquiète de son manque de
perspectives alors qu'elle dispose de solides atouts pour faire valoir la qualité de ses
productions. Par ailleurs, la politique agricole commune est à la veille de grandes
échéances avec l'entrée de nouveaux Etats membres et le rendez-vous à mi-parcours
de sa réforme. Le Gouvernement veillera à ce que les décisions arrêtées par les chefs
d'Etat et de gouvernement à Berlin en 1999 soient respectées et fera preuve de la plus
grande fermeté face aux tentatives de modifier, dès à présent, la politique agricole
commune.
Le Gouvernement souhaite une agriculture française performante, écologiquement
responsable et économiquement forte.
Quant à la politique commune de la pêche, elle fait l'objet d'une proposition de réforme
de la part de la Commission européenne, que je juge inacceptable. La France n'acceptera pas la destruction de sa flotte de pêche,
principalement dans sa composante artisanale, avec le cortège de drames humains et
de difficultés sociales qui l'accompagnerait fatalement.
Favoriser nos territoires, c'est enfin développer une politique ambitieuse pour notre
outre-mer. L'outre-mer est un atout pour la France. Nous combattrons l'inégalité
économique dont sont victimes ses collectivités en mettant en valeur une logique
d'activité et non plus d'assistance.
Une loi de programme pour l'outre-mer sera soumise au Parlement avant la fin de
l'année. La Constitution sera révisée pour permettre de mieux prendre en compte la
diversité de l'outre-mer dans le cadre du strict respect des principes d'indivisibilité de la
République.
Troisième pilier de l'action que je vous propose : rendre la France plus créative.
Nous avons de grandes ambitions. La créativité de nos concitoyens, à l'université
comme en entreprise, doit pouvoir se concrétiser pleinement sur notre territoire. La
matière fiscale et réglementaire ne doit plus être cause de découragement.
Je ne me résigne pas aux délocalisations d'activité. Nos atouts scientifiques,
technologiques, culturels et humains sont considérables. Nous devons les valoriser,
comme nous devons valoriser le travail. Or le travail est une valeur. Nous devons tout
mettre en _uvre pour le favoriser. Il n'est pas admissible que le chômage touche autant
de nos concitoyens, en particulier tous ces jeunes à qui notre société ne propose aucun
avenir.
Notre objectif reste le plein emploi.
Il faut éviter que les impôts et les charges ne découragent le travail.
C'est le sens de la baisse d'impôt. C'est le sens de la baisse des charges que nous engageons de
façon résolue. Ces baisses de charges constituent la clé de voûte de notre stratégie. Ce
n'est pas de l'idéologie, simplement, ça marche et ça crée des emplois.
Nous n'avons pas trouvé cela dans un petit livre rouge, ni dans un petit livre bleu, mais
dans les statistiques de l'INSEE.
Mon gouvernement va renouer avec cette politique, en en faisant bénéficier dans un
premier temps les jeunes peu qualifiés, dont le taux de chômage, qui a beaucoup
progressé depuis un an, est deux fois plus élevé que la moyenne nationale.
Vous serez saisis au cours de cette session extraordinaire d'un projet de loi favorisant
l'emploi des jeunes peu qualifiés. Il prévoira une exonération complète des charges
applicable au 1er juillet 2002. Nous développerons ainsi de vrais contrats jeunes dans
de vraies entreprises.
Pour les jeunes prêts à s'investir, nous instaurerons un contrat d'insertion dans la vie
sociale. Il offrira une garantie de revenus aux jeunes sans diplôme et sans emploi qui
accepteront de s'engager. Ce contrat sera mis en place dans les prochains mois.
Mais au-delà de mesures spécifiques pour les jeunes, c'est un abaissement global de
charges sociales que nous visons. Il viendra simplifier les multiples mesures qui
existent et qui compliquent la vie des entreprises.
La simplification est un objectif d'ensemble.
Parallèlement, je souhaite traiter rapidement un sujet qui entrave la liberté de ceux qui
voudraient travailler davantage et le développement des entreprises. Je veux parler des
35 heures.
La durée légale du travail ne sera pas remise en question, mais des assouplissements
sont nécessaires. Nous y procéderons.
La méthode autoritaire suivie pour réformer le temps de travail a conduit à freiner la
progression du pouvoir d'achat des salariés et à ignorer nombre de réalités économiques. Elle a
entraîné des incohérences et des injustices notamment en ce qui concerne le SMIC.
Nous allons y remédier.
De même, la loi dite de modernisation sociale a été justement critiquée pour n'avoir
pas fait l'objet de concertation. Elle sera réformée et simplifiée. L'assurance emploi que j'évoquais
tout à l'heure y aidera.
Qu'il s'agisse des 35 heures, de l'harmonisation du SMIC, des charges sociales ou la
simplification de la loi dite de modernisation sociale, j'invite les partenaires sociaux à
engager dès maintenant entre eux et avec le ministre des affaires sociales, les
discussions nécessaires.
Je suis disposé à en tirer le plus vite possible les conséquences législatives ou
réglementaires.
Nous devons créer les conditions d'une croissance forte et durable. Nous allons nous y
employer en menant de front baisse des prélèvements, réduction des déficits et
réformes économiques.
La baisse des impôts permet de soutenir l'activité et l'initiative ; la baisse des charges,
de soutenir l'emploi.
Nous nous engagerons parallèlement dans la réduction des déficits. Il ne servirait à rien
de baisser les prélèvements si les Français n'avaient pas la garantie que cette baisse est
durable. C'est dans la capacité que nous aurons à conduire les réformes structurelles
dont le pays a besoin que nous trouverons des marges de manœuvre.
Au delà, nous devons favoriser l'activité, parce que la France est en retard, et relever le
défi de l'emploi des salariés de plus de 50 ans. C'est une véritable révolution culturelle
que nous devons engager.
Dans le même esprit, la prime pour l'emploi sera adaptée, en faveur notamment des
travailleurs à temps partiel, pour qu'elle devienne un véritable instrument de justice
sociale et de valorisation du travail.
Mieux équilibrer le partage des fruits de la croissance, tel est l'un de nos objectifs, que
nous poursuivons en baissant de 5 % l'impôt sur le revenu. Elle sera effective à l'automne prochain. Il
s'agira d'une réduction de 5 % pour tous les contribuables.
M. Alain Néri - Pour les riches !
M. le Premier ministre - Faut-il se réjouir quand, s'agissant des grands investissements
industriels, les sites français ne sont même plus envisagés ? Faut-il se réjouir de voir
nos chercheurs, nos ingénieurs quitter le pays et nos entreprises chercher ailleurs,
comme les footballeurs ?
Il faut faire confiance aux créateurs de la richesse. Ce qui est bon pour l'emploi est bon
pour le pays. Telle est la politique pour laquelle nous nous battrons. Les engagements
pris seront tenus.
Je suis déterminé à convaincre nos partenaires européens de la nécessité de baisser à
5,5 % le taux de TVA sur la restauration, car il s'agit d'un secteur créateur d'emplois.
Plusieurs membres du groupe C. et R. - Chiche !
M. le Premier ministre - Des discussions sont engagées et, pour atteindre cet objectif, je pense que
l'ensemble des forces nationales doit se mobiliser.
Recentrer l'Etat sur ses missions essentielles, c'est également redéfinir son intervention
dans le champ économique.
Notre approche sera pragmatique. Elle nous conduira à analyser les projets d'ouverture
de capital ou de privatisation au cas par cas, en tenant compte d'abord de l'intérêt des
entreprises et de leurs perspectives d'alliance et de développement.
Une telle politique ne peut se concevoir que sur la durée de la législature.
D'une manière générale, l'Etat a vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf
lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu.
Dans le domaine de l'énergie, notre pays dispose de deux grandes entreprises de
réputation mondiale.
Elles doivent assurer les missions de service public de façon équitable et solidaire sur
l'ensemble du territoire national. C'est un impératif. Mais elles doivent aussi être dotées
des mêmes armes que leurs concurrents européens pour tirer pleinement profit du
marché européen de l'énergie et promouvoir leur projet industriel et social.
Leurs savoir-faire techniques et la qualité de leur personnel constituent des atouts
reconnus et enviés. Ils sont le garant le plus précieux de leur avenir.
Pour qu'elles puissent nouer des alliances et développer leur stratégie en Europe et
dans le monde tout en respectant toutes les exigences du service public, leur forme juridique sera
modifiée pour permettre une ouverture progressive de leur capital, même si elles demeureront dans le secteur public.
Ces évolutions feront bien sûr l'objet d'une consultation préalable avec, en particulier,
les agents de ces entreprises et leurs représentants. Le statut du personnel actuel sera
maintenu et le système spécifique de retraite recevra les garanties nécessaires.
Une France créative, c'est une France qui mise sur l'innovation. Nous ferons le
nécessaire pour porter notre effort de recherche à 3 % du PIB à l'horizon 2010.
Il faut aussi ancrer notre pays dans la société de l'information. Je compte encore
encourager la création d'entreprises, au rythme de 200 000 entreprises nouvelles par
an. C'est possible et c'est une telle dynamique qui nous redonnera une capacité
d'initiative. La création d'entreprise est une des façons les plus efficaces de créer de
l'emploi.
Une France créative doit aussi rendre sa force à notre école.
L'école de l'égalité des chances est le plus ancien fondement de notre cohésion
républicaine. Notre système de formation doit faire en sorte que cette égalité des
chances reste une réalité à tous les stades de la vie professionnelle.
Malgré le dévouement des enseignants et de tous les acteurs de la communauté
éducative, l'école a du mal à remplir cette mission : 60 000 jeunes sortent de notre
système éducatif sans qualification, 90 000 le quittent avec une faible qualification.
C'est inacceptable pour la nation.
J'ai demandé au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche de
s'attaquer en priorité aux grandes causes de la fracture scolaire.
La première de ces causes, c'est l'illettrisme contre lequel j'entends vigoureusement
lutter. Dès la prochaine rentrée scolaire, un plan pour améliorer les apprentissages de
base à l'école primaire sera engagé.
La valorisation de l'enseignement professionnel est une nécessité. Permettons à chacun
d'exprimer ses talents dans la voie qui lui est propre. Les expériences existantes seront
étendues et des passerelles entre les voies technologique, professionnelle et générale
seront mises en place
.
Notre troisième priorité sera de lutter contre l'échec en premier cycle universitaire.
Enfin, les vocations scientifiques seront encouragées afin de revaloriser la science, car
notre université ne forme plus assez de jeunes capables de soutenir notre effort
d'innovation.
L'Etat continuera à soutenir la création et à défendre les droits des créateurs. Un projet
de loi relatif au droit de prêt et au renforcement de la protection sociale des auteurs
vous sera présenté.
Evidemment, l'Etat ne sera pas le seul acteur dans ces domaines et je souhaite que
soient levées les ambiguïtés actuelles, soigneusement entretenues d'ailleurs, et qui font
obstacle aux partenariats avec les collectivités locales.
Dans le domaine du patrimoine, une loi de programme sera lancée. Il s'agira de
renforcer le rôle des collectivités locales, l'Etat conservant ses fonctions de garant de
la cohérence. Il en ira de même pour les bibliothèques, équipements culturels de
proximité les plus fréquentés par nos concitoyens.
Le Gouvernement relancera la politique du mécénat par un renforcement du dispositif
d'incitations fiscales ainsi que par une simplification des procédures de création des
fondations.
Nous nous battrons pour la baisse de la TVA sur le prix du disque.
Dans le domaine de l'audiovisuel, le Gouvernement se montrera attaché à la liberté des
initiatives, mais aussi à la défense de la qualité d'un service public qui doit constituer
une référence.
Cet effort de cohésion concernera aussi le sport, grand oublié de la décentralisation.
Des états généraux seront lancés à l'automne, à l'initiative du ministre des sports. Ils
fourniront l'occasion de réfléchir à l'ensemble des enjeux.
J'en viens à l'Europe.
Il faut un projet européen fort. Nous voulons une Europe des hommes, c'est-à-dire
respectant notre patrimoine humaniste. Mais il faut aussi une Europe économique
forte, bâtie sur le succès de l'euro, qui doit approfondir le marché unique, qui doit faire
progresser l'harmonisation des fiscalités, qui doit enfin renforcer l'Europe sociale.
Nous attendons beaucoup de la Convention présidée par le Président Valéry Giscard
d'Estaing. Elle dessinera les contours de
notre nouvelle Europe.
Elle simplifiera le texte des traités et précisera qui fait quoi dans l'Union. Elle
exprimera l'identité européenne.
Je souhaite, avec le Président de la République, que la vision de l'Europe qui
s'exprimera soit celle d'une fédération d'Etats nations. La nation est plus que jamais
vivante et restera le moteur de l'histoire.
Dans la construction politique de l'Europe, nous devrons mieux associer les
Parlements nationaux et le Parlement européen et élire les députés européens sur une
base de liste régionale, pour les rendre davantage acteur de notre démocratie.
Nous sommes favorables à l'élargissement, nous n'entendons pas le subir.
Nous voulons aussi renforcer le couple franco-allemand, à l'occasion du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée.
Enfin, je m'engage à accélérer la transposition des directives européennes dans notre
législation, nous ne devons pas être les derniers de la classe.
Nous entendons promouvoir la gouvernance mondiale, qui fera prévaloir le droit sur le
fait accompli. Sans un système multilatéral fort, seuls les rapports de force comptent.
Sans règles internationales, ce sont les plus vulnérables, les pays en développement,
qui souffriront le plus.
La France doit faire entendre sa voix, sur le plan économique, mais aussi sur le plan du
développement durable, et nous nous emploierons donc à la réussite du sommet de
Johannesburg.
La francophonie fait partie intégrante de notre action internationale.
La Marseillaise, le drapeau, la langue, font partie de ce patrimoine auquel nous
sommes si attachés.
La politique ne peut plus promettre des lendemains qui chantent et repousser toujours
la résolution des problèmes quotidiens. Je vous propose un calendrier précis, des
décisions concrètes, des engagements qui permettent d'améliorer le quotidien et mieux
vivre l'avenir. Je vous propose un projet qui réconcilie actions et convictions.
Ce projet sans arrogance appelle votre confiance. Il est né au sein de la majorité
présidentielle devenue majorité parlementaire : majorité d'union, majorité d'action.
Vous pourrez compter sur notre courage, nous voulons compter sur votre confiance.
La confiance est la valeur démocratique la plus précieuse. Confiance du peuple,
confiance du Parlement, confiance du Président. La confiance est la clef du
mouvement.
Confiance pour la croissance, confiance pour l'espérance, confiance pour la France !
Conformément au premier alinéa de l'article 49 de la Constitution, et après y avoir été
autorisé par le conseil des ministres, j'engage la responsabilité de mon gouvernement
sur cette déclaration de politique générale.