Le fait que ces trois organisations aient signé un pré-accord tient en lui-même du miracle tant les tensions existant entre la mosquée de Paris et l'UOIF sont sensibles et bien " visibles " elles. La première voyait d'un mauvais œil la mise en place d'un système électif plus favorable à sa rivale l'UOIF et cette dernière ne voulait pas entendre parler de la nomination à la tête du futur conseil, du recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur. A coup de communiqués, ces deux organisations se sont donc livrées à une véritable lutte de pouvoir et d'influence. Quant à la FNMF, elle ne voulait même plus participer à la discussion.
Aujourd'hui, elles paraissent avoir trouvé un terrain d'entente et l'on ne peut que s'en réjouir: ainsi l'UOIF et la FNMF se félicitent que la cooptation qui leur est défavorable ne représente pas plus d'un tiers du conseil.
Khalil Merroun, le recteur de la mosquée d'Evry (Essonne), semble satisfait :
"Aucun calife n'est qualifié pour dominer sur l'autre", ironise-t-il.
Les exclus de cette rencontre dominicaine sont bien entendus très mécontents et dénoncent cette mise à l'écart.
Ainsi, le secrétaire général de la Coordination des musulmans turcs de France est consterné
"par cette signature secrète et cette manière de procéder". Son secrétaire général, Haydar Demiryurek, affirme que "le discrédit est jeté sur notre participation" évoquant dans le Figaro le risque d'un blocage de "toute l'évolution" du processus.
La Fédération des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles, parle d'une "maladresse du ministre". Pour Ahmed Baba Miske, l'arête passe mal "On a l'impression d'être considéré comme quantité négligeable alors que depuis trois ans la consultation a veillé à ce que personne ne soit laissé sur le bord de la route."
Chez Foi et Pratique (Tabligh), même son de cloche : "Pourquoi participer à des réunions si c'est pour faire de la figuration ? Cette décision est le couronnement de l'influence étrangère et elle revient à mettre fin à tous les travaux de la consultation."
Abderahmane Dahmane, proche de l'UMP et président de la Coordination des musulmans mécontents n'a pas de mots assez durs : "M. Sarkozy a mis à genoux tous les démocrates et républicains musulmans devant les fondamentalistes et intégristes de l'UOIF", écrit-il dans un communiqué. "Cet accord honteux met -l'islam de France- entre les mains des fascistes islamistes et des services étrangers."
Kamel Kabtane, le recteur de la mosquée de Lyon, a dénoncé un "marché de dupes" réalisé sur le dos des grandes mosquées. Il dénonce une rencontre secrète du ministre avec la FNMF, la mosquée de Paris et l'UOIF dans le but de conclure " un marchandage sur les postes attribués à chacun dans le futur conseil ".
Le recteur estime avoir été sacrifié " pour permettre à M.Sarkozy d'aller vite".
Quant au mufti de Marseille, Soheib Benckeikh., il a pour sa part exprimé son scepticisme, en regrettant notamment que les mosquées régionales n'aient pas davantage le droit de citer. "Il faut voir dans quelle voie s'oriente l'islam de France. Les choses se dessinent peu à peu dans les régions où on peut mieux juger des besoins réels des musulmans", a-t-il déclaré à l'agence Reuters.
"Je suis un peu sceptique sur cette initiative qui me paraît trop compliquée à mettre en place, avec notamment un trop grand nombre d'échelons intermédiaires. C'est un jeu de compromis et d'équilibres critiques", a-t-il ajouté.
"Pourquoi vouloir doter coûte que coûte les musulmans d'une représentation presque malgré eux ? Un conseil de réflexion me paraît être plus essentiel pour adapter l'islam aux spécificités de la société. Un conseil représentatif ne doit être que la dernière étape d'un long processus. On ne peut pas décider d'une représentation musulmane au même titre, par exemple, qu'une représentation catholique plus vieille que l'Etat lui-même." a-t-il souligné.
Des associations déçues mais malgré leurs déclarations virulentes, aucune n'a encore décidé de quitter la négociation. Pour le moment, ils devraient être tous présents au séminaire organisé par le Ministre les 19 et 20 décembre prochain. Pas d'inquiétude, si Nicolas Sarkozy trouve les mots " adaptés " ménageant les diverses susceptibilités, soyons certains qu'ils seront convaincus ! On peut certes le déplorer, mais il est question ici essentiellement, d'une lutte d'influence et de pouvoir futur. Dommage pour l'islam de France!!!