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HISTOIRE POLITIQUE
DISCOURS DE JACQUES CHIRAC AU CONGRES FONDATEUR DU RPR - le 5 décembre 1976

Amis anciens et nouveaux, je vous salue. Nous voici réunis pour témoigner que le peuple de France, comme il l'a toujours fait dans les heures difficiles, se rassemble et se retrouve. Notre histoire est celle d'une Nation de la vieille Europe qui a donné au monde moderne l'essentiel de ses valeurs, qui n'a jamais cédé lorsqu'elles étaient menacées, qui a su en faire le patrimoine de chacun d'entre nous. Sur ces valeurs, nous avons fondé notre prestige, exalté notre unité. Nous avons bâti l'idéal d'une société de liberté, affirmant la dignité et la responsabilité de ses membres. Qui ne reconnaîtra que ces exigences tiennent au cœur de l'immense majorité de nos concitoyens, et qu'elles valent tous les sacrifices, lorsqu'elles sont menacées ? Or, les menaces s'accumulent. Il est temps d'en prendre clairement conscience.





Dimanche 22 septembre 2002.

Farid Souiah
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CE QUI MENACE NOTRE SOCIÉTÉ.

La menace tient d'abord à notre propre doute. Une inquiétude confuse commence à se répandre.
Le spectacle d'un monde divisé, déséquilibré, déchiré ; celui de son désordre économique, de ses inégalités, de ses injustices ; la rupture d'une croissance exceptionnelle tant par sa durée que par sa vigueur ; l'apparition, dans notre société, de formes nouvelles de désarroi moral ; l'irruption de la violence que les techniques modernes d'information font pénétrer dans chaque foyer ; tout cela conduit beaucoup d'entre nous à s'interroger anxieusement sur l'avenir : allons-nous vivre dans l'éphémère, la destruction permanente de toutes les certitudes, le désordre des valeurs ? Chacun sent que la cohésion de la Nation et la fermeté de ses décisions sont d'autant plus nécessaires et que les Français doivent, pour cela, se rassembler. Mais sachons reconnaître que nous n'avons pas toujours, en tant que citoyens et en tant qu'hommes, défendu avec assez de volonté notre héritage, lutté avec assez de courage pour l'accroître, compris avec assez de cœur qu'il fallait l'adapter à ce que demandent les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Tel est bien pourtant le devoir de citoyens responsables : non point céder à la lassitude et se résigner à la politique du pire ; non point participer à la division de la France par les slogans ou des idéologies qui exacerbent l'affrontement et l'intolérance. Ne laissons ni affaiblir, ni dévoyer les valeurs essentielles dont si peu de pays au monde donnent l'exemple. Il est temps, avant que ne s'engagent les compétitions électorales, que nous nous retrouvions en nous-mêmes afin de compter tous ceux qui veulent, pour la France, dépasser les clivages politiques et apaiser les luttes partisanes.

Oui, le moment est venu de se ressaisir.
En nous abandonnant nous-mêmes, c'est la France que nous abandonnons.
Rendons l'espérance à notre pays, proposons à sa jeunesse une cause qui l'enthousiasme, suscitons l'engagement de tous ceux qui croient en la France. Que cet appel soit entendu et qu'il soit épargné aux Français d'être conduits à y souscrire plus tard et dans le drame.
Car la vraie menace est en face de nous.
La prétendue alternative que nous propose le programme socialo-communiste est dangereuse.
Elle est inefficace.
Elle est illusoire.
Elle est la plus mauvaise réponse au débat sur les libertés.
Ouvrons les yeux : bien peu de pays sont libres dans le monde.
La plupart vivent sous la dictature des armes ou des idéologies.
Beaucoup chez nous n'ont pas oublié ce que c'est de vivre sans liberté.
Les jeunes eux, n'ont heureusement pas connu cela, mais leur vigilance ne doit pas s'endormir : à défaut de souvenirs, qu'ils aient des pressentiments. Que l'on m'entende bien : je ne mets en cause ni la bonne foi ni la raison d'aucun de nos concitoyens. Je ne dénonce pas des hommes, je dénonce des structures, celles du programme commun, je dénonce la logique de son développement ; il repose, en effet, sur la mise en place d'une bureaucratie qui conduira à supprimer les libertés. Ne vous y trompez pas : les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Il n'y aura pas de collectivisme à la française.
Quelles qu'aient pu être les illusions ou les ambitions de ceux qui s'y sont prêtés, partout dans le monde où l'on a mis en place les principes socialo-communistes, les libertés ont disparu. Et l'on n'a jamais vu une société devenue collectiviste rétablir ensuite les principes libéraux.
Je ne critique pas ici les régimes qui ont estimé que ce type de société convenait à leur peuple.
Je dis simplement qu'elle ne convient pas à la France.
Et si, au delà des conséquences politiques du programme commun, j'examine ses propositions économiques, je suis conduit à la même inquiétude. Si les nationalisations ont été justifiées dans le passé lorsqu'il s'agissait de transférer à la Nation certains secteurs essentiels à son activité, celles que nous promettent aujourd'hui les socialo-communistes concernent des pans entiers de notre économie et ne peuvent avoir pour résultat que de tuer l'initiative, de généraliser l'irresponsabilité et d'engendrer le déficit. Nous ne voulons pas d'une société où la méfiance vis-à-vis de l'homme, érigée en principe, conduit à transférer à un État de plus en plus puissant et omniprésent ce qui relève de la responsabilité de chacune et de chacun d'entre nous.

Quant à l'autogestion... Elle demeure un mythe.
Les rares exemples qu'on en connaisse ont été marqués par l'échec ou par l'anarchie.
Aucune de ces recettes n'est adaptée au dynamisme nécessaire d'une économie moderne.
Elles ne peuvent conduire qu'à la récession et ce n'est pas par hasard que tous les pays qui les ont appliquées ont connu et connaissent un développement économique et donc un progrès social inférieur au nôtre. Y a-t-il au moins, dans le programme commun, la réponse à la grande question qui tourmente le cœur des hommes et qui, je le sais, préoccupe plus que jamais peut-être nos concitoyens : la question de l'injustice ? L'expérience montre que le collectivisme ne crée pas une société plus juste.
Partout, dans les régimes de ce type, on a substitué aux inégalités d'autres inégalités, aux hiérarchies qu'on voulait abattre d'autres hiérarchies : celles de l'État, celles du parti, celles du syndicat. Je répète que je ne critique pas ce système dans les pays qui l'ont choisi.
Je dis que je n'en veux pas pour la France.
Car l'injustice, ce n'est pas par l'idéologie, par la bureaucratie, par leur ordre implacable que nous la réduirons.
C'est par d'autres voies.
Voilà les principales raisons du refus que j'entends opposer à la mise en oeuvre du programme commun.
Nous, nous cherchons autre chose qu'un système qui détruit les libertés, n'apporte pas de solution économique adaptée aux exigences de notre pays, ne donne pas de réponse satisfaisante à l'immense aspiration de nos concitoyens pour plus de justice. L'espoir pour la France, pour nous-mêmes, pour nous tous et pour ceux qui ont besoin de nous, ne le laissons pas mourir.
Ne nous laissons pas tromper.
Ne nous faisons aucune illusion sur le processus qu'enclencherait une victoire des partisans du programme commun aux élections législatives. Ce ne serait pas l'alternance démocratique mais un processus irréversible.
Conscients de nos difficultés actuelles, de la nécessité pour la majorité de se ressaisir, convaincus du caractère inefficace et néfaste de ce que nous promet le programme commun, certains que la victoire du collectivisme tue l'espoir, parce qu'il est une voie sans retour, nous devons susciter un élan puissant qui transformera notre combat en victoire.

LES GRANDS OBJECTIFS DU RASSEMBLEMENT.

Pour rassembler les Français, nous devons dissiper leurs doutes en marquant quelques repères solides.
La France, aujourd'hui, n'attend pas un programme de plus.
Ce qu'elle attend de nous, c'est que nous lui donnions des objectifs.
Gardons-nous, bien sûr, d'un optimisme simpliste.
Lequel d'entre nous n'éprouve point, parfois, de la lassitude, voire de l'angoisse devant le cours des choses et la condition des hommes ? Quels hommes serions-nous donc si nous n'entendions pas les questions que l'on pose autour de nous, les questions que l'on nous pose ? Mais nous avons aussi le devoir de dire que les forces de l'espoir, sont, au bout du compte, plus puissantes que celles de l'abandon. Nous avons la volonté de continuer, non pas pour conserver mais pour progresser, non pas pour durcir dans l'égoïsme et dans la nostalgie, mais pour porter l'espérance des Françaises et des Français. Dans notre action, nous tiendrons ferme sur quelques valeurs essentielles : la liberté, la responsabilité, l'abolition des privilèges, l'épanouissement de la démocratie dans la vie quotidienne.

IL FAUT D'ABORD DÉFENDRE LA LIBERTÉ.

Nous nous le devons à nous-mêmes, nous le devons aussi à tous les peuples du monde pour qui notre terre est la terre de liberté.
Mais si l'accord est unanime sur l'objectif, certains répugnent à prendre les moyens de l'atteindre.
Pour que les Français restent libres, nous savons, nous, que la France doit préserver son indépendance.
C'est-à-dire le pouvoir de se déterminer elle-même, selon ce qu'elle croit être son intérêt ou sa mission, sans avoir à rechercher à l'extérieur approbation ou consignes. Or, l'indépendance n'est qu'un leurre si ses deux fondements essentiels ne sont pas assurés :
Pas d'indépendance sans une économie forte et équilibrée. Dans le désordre monétaire international que nous subissons, au milieu des bouleversements profonds et durables qu'entraîne la hausse continue du prix de l'énergie et des matières premières, l'État doit, plus que jamais, fixer par un plan national les objectifs et les disciplines du développement économique. Pour maintenir la valeur du franc, la gestion des fonds publics et des fonds sociaux doit être plus rigoureuse.
Pour assurer les bases du progrès de demain, notre puissance industrielle doit être renforcée de même que la recherche scientifique et les technologies de pointe doivent être fermement soutenues.

Pas d'indépendance non plus sans une défense efficace, fondée sur la dissuasion nucléaire, relevant des seules autorités de la République. La Nation doit consacrer des ressources accrues à l'équipement de son armée dont la modernisation va probablement exiger que, progressivement, le volontariat se substitue à la conscription. Sur ces bases, nous pourrons continuer à conduire une politique étrangère sans allégeance aucune et notamment aux super-puissances. Il y va bien sûr de notre intérêt.
Mais il y va aussi de l'intérêt de la communauté internationale à laquelle une France indépendante, cohérente dans ses choix, déterminée dans ses actions, apporte des conceptions originales et généreuses. Prenons-y garde : l'extraordinaire capital d'amitié que nous conservons dans le monde peut s'effriter très vite s'il n'est pas consolidé par une politique de coopération à la fois généreuse et sans complaisance. Quant à l'Europe, si nous voulons un avenir qui ne soit pas fait de bruit et de fureur, si nous voulons maintenir les principes d'une société, les principes d'une démocratie que nous avons en commun, il faudra nous entendre. Certes, la tâche n'est pas facile.
Nous devons participer avec réalisme et activement à l'édification d'un ensemble uni et fort, respectueux de notre souveraineté et de celle de chacune des nations qui le composent. Nous ferons l'Europe sans défaire la France.
Nous en avons la volonté politique.
Dans un pays dont l'indépendance sera ainsi préservée, les Français pourront renforcer leurs libertés.
Encore ne suffit-il pas d'énumérer ces libertés comme trop de marchands de rêve se sont mis, depuis peu, à le faire.
Ce qui compte, c'est de comprendre et d'assurer les conditions fondamentales qui en permettent l'exercice.
C'est, au premier chef, un État capable de faire respecter la cohésion de la Nation et de garantir à chaque citoyen la sécurité de sa personne et de ses biens. Le peuple français s'est donné, en adoptant la Constitution de la Vème République, des institutions démocratiques et modernes.
Leur défense intransigeante reste une donnée permanente de notre action.
C'est, en second lieu, une justice sereine, dégagée des passions, rendue plus humaine et plus proche pour ceux qui ont recours à elle, sévère envers ceux qui s'opposent aux lois de la République. C'est enfin le renforcement, parmi le plus grand nombre, du sentiment de la sécurité et de l'équilibre.
Les droits économiques, sociaux et culturels du citoyen doivent être développés.
Le droit au travail notamment doit être garanti.
Il faut aussi diffuser la propriété ; non seulement la propriété traditionnelle -celle de la maison, du champ, du magasin ou de l'atelier- mais aussi la propriété mobilière trop souvent réservée à un petit nombre de détenteurs du capital. Dans cette perspective, l'épargne individuelle doit être protégée.
Elle est nécessaire tant à l'économie qui y puise ses ressources qu'aux individus qui y trouvent une sécurité ; les Français en ont le goût naturel. Mais il y aurait tromperie intolérable si les avoirs péniblement accumulés se transformaient en peau de chagrin par le jeu d'un prélèvement occulte et permanent. Il faut mettre en oeuvre les solutions pour l'empêcher.
Mais la priorité demeure la lutte contre l'inflation qui est la cause profonde du mal.
La France traverse actuellement une crise économique.
Le Premier ministre a entrepris avec compétence et ténacité de la combattre.
Ce combat nous concerne tous.
Nous ne le gagnerons qu'avec l'accord profond d'un pays confiant et rassemblé.
Certains, par intérêt ou par malice, voudraient nous voir contribuer à l'abaissement de l'État.
Eh bien, non ! Nous sommes trop soucieux de l'intérêt général, trop fidèle aux enseignements que nous ont transmis le Général de Gaulle et Georges Pompidou pour nous prêter à de telles manœuvres. D'ailleurs, si l'on excepte les réactions démagogiques d'une opposition irresponsable, quel Français peut sérieusement croire que l'on peut à la fois lutter contre l'inflation et le chômage et refuser à l'État les moyens du redressement ?

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