"Le nouveau projet de Nicolas Sarkozy
est toujours aussi inquiétant. Que le gouvernement ait décidé d'en morceler les
dispositions pour confier au Garde des sceaux le soin d'en présenter, plus tard,
certaines, ne relève que de la manœuvre mais ne change rien à la philosophie de ce texte.
Le gouvernement a décidé d'entrer en guerre contre les pauvres.
Le projet du ministère de l'Intérieur, s'il était adopté, pourrait conduire à un État autoritaire
et à réprimer tous ceux qui ont eu le malheur d'être rejetés au bord de la route.
Parce qu'il vise, pêle-mêle, les mendiants, les sans domicile fixe, les jeunes, les gens du voyage,
les prostitués, les militants qui mèneraient des actions revendicatives, ce texte institue une
République où la pauvreté est constituée en délit et où la manifestation d'une révolte devient un crime.
Pour assurer la répression de ces nouvelles "classes dangereuses", il faut aussi soumettre
nos libertés à l'arbitraire de l'État. Avant même que le ministre de la Justice s'y emploie de son
côté, que restera-t-il, déjà, de celles-ci quand chacun de nous pourra être arrêté pendant une
demi-heure au bord de la route à la discrétion des forces de police ?
Accepterons-nous d'être, parce que simples suspects, fichés à vie dans des fichiers qui,
multipliés à l'infini et croisés, recenseront jusqu'au moindre détail de votre vie quotidienne?
Lutter contre l'insécurité, ce n'est pas cela, ce n'est pas désigner les pauvres comme boucs
émissaires et faire de chacun de nous des citoyens soumis au pouvoir discrétionnaire de l'État.
Lutter contre l'insécurité, c'est bien sûr réprimer quand c'est nécessaire, mais c'est aussi prévenir,
éduquer, rétablir partout tous les services publics, reconstruire la vie là où elle n'existe plus
et rétablir les solidarités qui ont disparu. Il faut sortir de la précarité et du chômage les quelques
millions de personnes qui s'y trouvent, lutter contre toutes les discriminations qui divisent
les habitants de notre pays et offrir un autre cadre de vie que des quartiers devenus des ghettos
où l'on survit sans espoir. Ce ne sont pas les pauvres qu'il faut combattre, c'est la pauvreté !
En présentant ce projet, le gouvernement touche à la nature même de la République.
Nous ne serons plus égaux devant la loi car ce ne sont pas les "gens d'en haut" qui dorment sous
les ponts ou mendient.
De cela, nous ne voulons pas. Nous savons qu'aujourd'hui le gouvernement détient tous les pouvoirs
mais il n'a pas reçu mandat de faire de l'inégalité et de l'arbitraire des règles de la République.
Nous appelons tous les citoyens à le dire à leurs députés et à le manifester publiquement."
Les signataires :
Les Alternatifs, Association des Tunisiens de France, Attac, CADAC, CEDETIM,
Confédération générale du travail (CGT), CLARIS, Collectif des droits des femmes,
Confédération paysanne, Droits Solidarité, FARAPEJ, FCPE, Fédération des Tunisiens pour
une citoyenneté des deux rives, Francas, France Libertés, FSU, GEBEPI, GISTI, G10 Solidaires,
IRIS (Imaginons un réseau internet solidaire), LCR, Ligue des droits de l'Homme,
Mouvement des jeunes socialistes (MJS), MRAP, Mouvement de la paix, PASTT, PCF, PS,
Peuple et Culture, Pionniers de France, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature,
Jeunes communistes.