Ce projet avant même sa présentation en Conseil des ministres
a fait l'objet de réactions hostiles.
Si la gauche se montre très critique et accuse le ministre de vouloir faire "la guerre aux pauvres", elle semble néanmoins
embarrassée et divisée sur le sujet.
Quant à Nicolas Sarkozy, il est l'homme fort de ce gouvernement Raffarin. Très populaire il bénéficie du soutien de la majorité des
Français :
selon un sondage Ipsos-Le Point, il récolte 56% d'opinion favorable. Si à droite, il sont 90% à lui faire confiance, 40% des électeurs
de gauche disent avoir une bonne opinion de lui, ce qui est loin d'être négligeable.
L'engouement de l'électorat jette un trouble profond chez les socialistes.
Quant au Ministre de l'Intérieur, fort de cet appui, il ne lui reste qu'à enfoncer le clou en se contentant de
répondre que son texte est destiné à
la "France des oubliés".
et qu'il
s'adresse avant tout à "ceux qui ont peur" et à ceux "qui n'en peuvent plus".
La gauche mal à l'aise
Associations et partis de gauche ont tenté de dénoncer avec virulence mais aussi avec des nuances et des contradictions,
le projet de Nicolas Sarkozy.
Le parti socialiste hésite et reste partagé entre rejet total et adhésion partielle à certaines dispositions:
Daniel Vaillant, l'ex-ministre socialiste de l'Intérieur, dénonçant la dérive sécuritaire du ministre a reconnu sur France 2
que les socialistes avaient des différences d'appréciation, mais qu'ils voteraient d'une seule voix contre le projet de loi sur la
sécurité intérieure mais tout en précisant qu'il était possible qu'il vote "telle ou telle disposition".
M. Vaillant a déploré la dérive sécuritaire de Nicolas Sarkozy influencée par
"la pression de la droite de sa droite".
Julien Dray, le spécialiste de la sécurité au PS, a reproché
mercredi à M. Sarkozy "d'agir dans la précipitation " et d'avoir choisi le "100% répression".
Sur France Inter, il a déclaré que "La gauche a toujours essayé d'avoir un système équilibré, mieux prévenir, mieux punir.
A l'inverse, depuis six mois,
nous avons 100% de répression, nous n'avons aucun discours sur la prévention".
Selon lui, ce texte "s'attaque aux pauvres, aux malheureux de notre système en les repoussant pour ne plus les voir"
au lieu de répondre aux aspirations des oubliés de l'Etat.
Pour Jean Glavany, l'ancien ministre de l'Agriculture, les socialistes n'ont plus "d'états d'âme" sur les questions de sécurité
et "l'angélisme" dont le PS a pu faire preuve dans le passé n'est plus d'actualité.
Lui aussi condamne un texte qui omet complétement le côté prévention :
"Il y a des moments où les gesticulations ont des limites, ces limites, ce sont les libertés individuelles", a-t-il déclaré.
Dans Le Parisien du jeudi 24, Laurent Fabius explique qu'il aurait quant à lui préféré que le gouvernement
"applique déjà fermement les lois qui existent, car la sécurité est une priorité".
Les principaux syndicats sont également intervenus sur ce sujet :
Pour FO, Marc Blondel, a estimé que les syndicats ne pouvaient être d'accord pour
"tout régler par la répression alors que c'est une affaire de longue haleine, liée au chômage permanent depuis les années 75".
"On ne réglera pas le phénomène des bandes à coup de matraque", a-t-il précisé.
La CFDT est quant à elle, plus nuancée. Elle se dit favorable à certaines dispositions comme le contrôle renforcé des
acquisitions et des détentions d'armes. Mais elle reste opposée à la création de nouveaux délits qui vont
"sanctionner les victimes de ces misères sociales" et considère qu'une politique de sécurité efficace
"appelle des mesures ambitieuses à destination des jeunes".
Quant aux associations, elles restent les plus farouches opposants au projet :
- Le président de la Ligue des droits de l'Homme, Michel Tubiana, qui a signé l'appel
a dénoncé mardi soir "un projet terrifiant", qui vise à "criminaliser la pauvreté".
- Le MRAP relevait mercredi que les dispositions prévues dans le projet de loi,
"si elles peuvent soulager du sentiment d'insécurité, sont loin de traiter efficacement les causes de l'insécurité",
sans compter "les menaces [qui pèsent] sur les libertés et les droits fondamentaux".
Sarkozy fait sa loi
Pas d'état d'âme à droite qui approuve sans réserve le projet de l'ancien maire de Neuilly-sur-Seine :
L'UDF tout en accusant la gauche d'"hypocrisie" dans ce débat a relevé
que "le volet sécurité est essentiel mais il n'est pas le seul". Elle a souhaité mercredi qu'un volet
"insertion" vienne "très vite" compléter le projet de loi.
Les syndicats de police sont plutôt favorable à ce projet qui renforce leur pouvoir même si certaines organisations
s'interrogent sur l'efficacité de cette "spirale sécuritaire".
"Moi, ce qui m'intéresserait pour assurer une meilleure sécurité dans le pays et faciliter le travail des policiers,
c'est que l'on traite le problème en amont", a expliqué Gérard Noulé, secrétaire général du Syndicat national des policiers en tenue,
dans le journal Libération.
"Or, aujourd'hui, rien n'est fait. Je ne sais pas quelle est la politique de la ville du gouvernement, sa politique sociale", a-t-il
déploré.
Reste que les arguments déployés par ses contradicteurs ne semblent guère perturber le numéro deux du gouvernement : Nicolas Sarkozy
les a mis "au défi de trouver dans (son) texte une seule mesure contraire à nos valeurs
républicaines".
Mardi devant les députés, il a fustigé ceux qui
dans l'opposition tiennent un double langage en relevant le décalage qui existe entre leurs déclarations "nationales" et
leurs attitudes "locales".
Mercredi dans le journal Le Monde, il a dénoncé les "droits-de-l'hommistes", les "tartufes qui protestent aujourd'hui" mais
"n'ont rien fait hier" pour lutter contre l'insécurité et qui se contentent de dénoncer le caractère "liberticide" de
son projet.
"Quand on veut donner des leçons, il faut d'abord s'interroger sur la réalité de son bilan", leur a-t-il
lancé avant d'ajouter : "Ces dernières années, non seulement on n'a rien fait contre l'insécurité mais plus encore une certaine
intelligentsia a contesté à ceux qui avaient peur, la réalité même de leur sentiment. Un tel comportement absolutiste, l'arrogance de
certains a eu un effet dévastateur sur l'équilibre de notre République".
L'ancien député-maire de Neuilly se sentant soutenu raille tous ceux qui"passent devant la Porte de Saint-Ouen (où sont des prostituées des
pays de l'est) en disant --mon Dieu, les pauvres-- puis s'en vont, pour aller dîner en ville".
Concernant la lutte contre la prostitution, il se moque de "l'intelligentsia qui depuis des années laisse prospérer un phénomène
qu'elle condamne violemment à table, laissant les Français le vivre au quotidien".
En ce qui concerne le délit d'entrave dans les halls d'immeuble, il leur répond défendre : "tous ceux qui sont obligés de baisser
la tête après une journée de travail pour demander l'autorisation de rentrer dans leur immeuble".
A propos des gens du voyage, le ministre s'en prend
"à tous les tartufes qui donnent des leçons depuis quelques heures car, décidément, la cabine téléphonique du Café
de Flore (NDLR à Saint-Germain-des-Prés) fait de la buée en ce moment".
Le ministre a confirmé qu'il disposerait des moyens financiers pour mettre en oeuvre sa politique de lutte contre l'insécurité.
Une somme de 9,73 milliards
d'euros devrait être votée dans le budget 2003 ce qui représente une hausse de 5%.
Reste que l'examen du projet de loi devant les parlementaires nous promet sans doute encore de belles empoignades entre opposants et
partisans du texte.