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3 cohabitations différentes (suite)



Mardi 11 juin 2002.

Abdel Kacem

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III - La troisième cohabitation 1997- 2002 : une cohabitation surprise

Cette nouvelle période s’ouvre dans un contexte encore plus différent que les deux autres dans la mesure où la cohabitation n’était pas du tout attendue, donc pas préparée tant par la droite que par la gauche.
Elle résulte d'une dissolution surprise de l'Assemblée nationale. A cette époque, Alain Juppé est le Premier Ministre du nouveau Président Jacques Chirac. La majorité parlementaire est écrasante même si elle reste divisée tant la lutte entre E.Balladur et J.Chirac lors des présidentielles, a laissé des traces.
Le Président de la République lors d’une déclaration télévisée du 21 avril 1997 annonce une dissolution anticipée de l’Assemblée. L’une des raisons principales avancée par le Chef de l’Eat est que les réformes en cours nécessitent " une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action " et " que pour réussir, la France a besoin d'un nouvel élan”. Ce dernier résultant de “l'adhésion, clairement exprimée, du peuple français ".

Respecter les fonctions de chacun.

Plus le scrutin approche et plus l’éventualité d’une nouvelle cohabitation se pose à nouveau. Le 20 mai, le Président Jacques Chirac en référence à la construction européenne, met en garde les électeurs contre une nouvelle cohabitation : " N'oublions jamais qu'elle [la France] ne pourra défendre ses intérêts que si elle est capable de parler d'une seule voix, et d'une voix forte ".
La réaction de Lionel Jospin est immédiate et dès le lendemain, il explique qu'en cas de cohabitation, la France parlera d'une seule voix. Dans un entretien au Figaro il rappelle que : " En matière de cohabitation, la Constitution est claire sur les pouvoirs de chacun. La cohabitation n'est plus une situation mystérieuse, puisqu'il y en a eu déjà deux. Ce qui compte c'est de respecter la fonction de chacun... ".
l'opposition de gauche affirmera pendant la campagne qu'une cohabitation de cinq ans ne serait pas forcément conflictuelle.
Au scrutin des 25 et 1er juin 1997, la gauche obtient la majorité absolue. Le 2 juin Jacques Chirac nomme Lionel Jospin Premier ministre. Cette troisième cohabitation débute par une mise au point d'ordre institutionnel des deux chefs de l’exécutif.
Lors du traditionnel entretien télévisé du 14 juillet 1997, Jacques Chirac déclare : " La Constitution prévoit des choses et ces choses donnent, notamment, une prééminence, et je dirais, donnent un peu le dernier mot au Président de la République... ".
Deux jours après, dans une déclaration en Conseil des ministres Lionel Jospin corrige les propos du Président Jacques Chirac: " Il n'y a pas de domaine de la politique française où le Président aurait le dernier mot ".

Un contexte difficile pour le Président.

Pendant cette troisième cohabitation, le contexte politique n’est pas favorable à Jacques Chirac à l’image de celle connue par François Mitterand en 1993.
Jacques Chirac se voit réduit à une cohabitation suite à une dissolution qu’il a lui-même provoquée et en outre, il ne peut plus dissoudre pendant un an. La droite parlementaire sort très affaiblies de ces élections où elle enregistre son plus faible score depuis 1958 (36,2 %) . En outre, cet échec sera confirmé par les élections européennes de juin 1999.
Jacques Chirac, reprendra le rôle joué par F.Mitterand en 1986-1988, celui du gardien des intérêts des français. Lui aussi, ne se gênera pas pour adresser des gestes forts en direction de l’opinion, faisant part de ses désaccrods ou en exprimant des mises en garde contre la politique gouvernementale.

Des moments de tension vite circonscrits.

Pendant ces moments de tension aucun des deux responsables de l’exécutif ne remettra pourtant en cause le rôle constitutionnel de l’un ou de l’autre. Ainsi en décembre 2000 à l'issue du sommet européen de Nice et lors d’une conférence de presse conjointe entre Jacques Chirac, Lionel Jospin et le Président de la Commission européenne répondant à la question de savoir si la cohabitation lors de la présidence française de l'Union européenne a été " un atout, un handicap ou qu'elle a été neutre pour la réussite de la présidence française ", les deux responsables de l'exécutif répondent d’une seule voix:
- Jacques Chirac : " Ce que je peux vous dire en tout les cas, et ce qui est certain, c'est qu'elle n'a pas été un handicap. Et la preuve en est, nous avons réussi ce sommet. Nous l'avons réussi ensemble "
- Lionel Jospin : " Comme je pense que c'est un atout, cela veut dire que le résultat est neutre. (...) Ces trois jours de discussions très difficiles ont été menées non seulement bien sûr avec une unité complète des ministres, du chef de l'Etat et du Premier ministre, mais je dirai même aussi avec une fusion intellectuelle et humaine des équipes qui a été extrêmement frappante... ".
Trois jours plus tard lors d'un entretien télévisé sur TF1, Jacques Chirac rappelait également que cette cohabitation avait été voulue par les électeurs :
" Et aussi bien le Premier ministre que moi, avons eu pour souci, en permanence, de faire en sorte que, tout en gardant chacun nos convictions, bien entendu, tout en ayant chacun nos responsabilités dans les domaines qui étaient les nôtres, nous ayons un comportement qui soit digne de la France et des Français (...). Alors je ne dis pas qu'il n'y a pas des difficultés ou des problèmes. Il ne peut pas ne pas y en avoir, à partir du moment où il y a une divergence de vues sur certaines orientations essentielles, tout est dans la manière de les exprimer ".

Le Président de la République et la cohabitation :

Lorsque l’on examine les trois cohabitations successives, on voit bien que même si le Président n’endosse pas la responsabilité des choix politiques du gouvernement, qui seul " détermine et conduit la politique de la nation ", il n’est pas cependant invisible.
L’expérience montre que le Président élu au suffrage universel n’est nullement baillonné et muet. Même s’il ne dispose pas véritablement du choix de son Premier Ministre, il conserve en cas de cohabitation des prérogatives qui ne sont pas négligeables. Ainsi, il est d’usage de laisser au chef de l'Etat son “domaine réservé”, sa primauté en matière de défense et de politique étrangère.
Il ne peut contraindre le Premier Ministre à démissionner mais il peut néanmoins toujours dissoudre l’Assemblée Nationale.
Il peut tout à fait, refuser de signer des ordonnances ou refuser de convoquer le parlement en session extraordinaire et l’article 61, permet au Président de saisir le Conseil constitutionnel pour des lois qu'il estimerait inconstitutionnelles.
Au sein du Conseil des Ministres, il a le droit de s’opposer à diverses nominations. et peut tout à fait critiquer les orientations ou les décisions prises par le gouvernement.

La responsabilité politique du Président :

Lorsqu’un candidat remporte les élections présidentielles, il est élu pour appliquer un projet politique. Il est donc tout naturel qu’il veuille s’engager et peser dans l’action gouvernementale. Mais pour cela, il faut qu’il dispose d’une majorité à l’Assemblée Nationale. C’est sous cette seule condition qu’il pourra choisir un Premier Ministre susceptible d’appliquer son programme. Mais dans ce cas, il y a un prix à payer : le Président devient politiquement responsable devant les français. En cas de cohabitation, la donne est bouleversée car il n’a aucun moyen de gouverner ni d’appliquer son projet mais en contrepartie, il ne peut être tenu responsable de la politique engagée par un gouvernement qui n’a pas la même sensibilité politique que lui.

Inconvénients et avantages de la cohabitation

Depuis 1997, la cohabitation a fait l'objet de nombreuses critiques, surtout dans la classe politique de droite comme de gauche. Les français semblaient pour l’instant s’en accommoder surtout parce qu’elle permettait que tous les courants de pensée soient représentés au sein de l’exécutif.
Le principal argument avancé par ses détracteurs, est qu’elle retarde et freine l’action politique. Sans aucun doute, le gouvernement doit-il mieux préparer ses projets de loi pour éviter toute critique du Président, prévoir également une présentation soigneuse à l’attention des médias. Tout cela ne peut que retarder la décision.
Elle ne permet pas réellement des réformes de fonds qui engendreraient un grand mécontentement. Le gouvernement de cohabitation préfère donc privilégier les décisions à court terme et celles qui sont les plus porteuses électoralement.

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