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Laïcité
DES VOIX DE TÊTE POUR LE VOILE
Rencontre avec les jeunes filles qui ont été à l'initiative de la manifestation de dimanche. Une mobilisation pour dire " non " à une future loi qu'elles jugent injuste mais pas seulement. Ilhame, Nassima et Kadidja ont décidé de mettre les pieds dans le plat et de s'inviter dans un débat dont elles ont été exclues. Principales concernées, elles déplorent aujourd'hui, leur mise à l'écart et elles comptent bien se faire entendre.

Dimanche 21 décembre 2003

Marie-Hélène SOUIAH

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IIlhame (19 ans), Nassima (22 ans) et Kadidja (31 ans) portent le voile mais elles insistent : elles n'ont besoin de personne pour se mobiliser. Cette manifestation, ce sont elles qui l'ont voulue.

Fidès : Pourquoi cette mobilisation ?

Ilhame (première année d'INALCO - Institut national des langues et civilisations orientales)
: " Ce qui nous pousse à manifester, c'est la décision prise par le Président Chirac qui a décidé qu'une loi devait être votée pour interdire aux musulmanes de porter le foulard dans les établissements scolaires. Derrière, cette manifestation, il n'y a que des citoyennes françaises à part entière : ni associations, ni partis politiques ! Nous n'avons besoin de personne pour dire non à une loi que nous considérons comme une injustice.

Kadidja (31 ans) : Les débats qui ont entouré la question du voile ont été dramatiques ! J'ai entendu parler de soumission, d'aliénation. Mais je ne sais toujours pas à qui je suis soumise. On nous montre du doigt, on dresse de nous, le portrait de femmes soumises alors que l'Etat est en train de nous mettre sous tutelle.

Nassima (22 ans): C'est dramatique de parler comme cela. Qu'est-ce qu'ils veulent dire par " soumise " ? Nous ne sommes soumises à personne. D'ailleurs, si tel était le cas, nous ne serions pas là ! Nous sommes contre une loi qui va nous obliger à dévoiler notre corps. Il faut respecter le choix de tout le monde me dit-on et personnellement, je respecte autant la personne qui porte un pantalon que celle qui montre ses jambes. Mais pourquoi ne pas accepter le choix que j'ai fait et qui est de couvrir mes cheveux ?

Fidès : Ne pensez-vous pas que les jeux sont faits et qu'il soit trop tard ?

Nassima : Pas du tout ! Nous sommes des citoyennes françaises et nous avons notre mot à dire puisque nous vivons dans une démocratie. Pour moi, cette loi est avant tout un texte discriminatoire et pas seulement un texte contre telle ou telle religion ! Et en tant que citoyenne attachée à l'égalité républicaine, je ne peux accepter une telle loi et ce, qu'elle soit contre les musulmans, contre les juifs, contre les chrétiens, les athées ou les agnostiques. Quand on est attaché à des principes ou à des valeurs, on les défend tout le temps !

Kadidja : Il n'est jamais trop tard ! Et puis, ce rassemblement est aussi l'occasion pour les femmes musulmanes de se faire entendre. Qui les a entendues jusqu'à présent ? Vous savez, j'ai sur moi, un courrier de Bernard Stasi dans lequel il m'indique refuser de m'auditionner. Pourtant, je suis un bon exemple, je suis une femme ingénieure totalement épanouie qui travaille dans une entreprise avec son foulard. J'ai été de tous les combats, notamment à côté des enseignants lorsqu'ils se sont battus pour les retraites. Dans une démocratie, les dirigeants refusent de nous donner la parole, de nous entendre alors que nous sommes les principales concernées. Je pense qu'avec cette manifestation, il vont nous écouter. Qu'ils arrêtent de nous dire que nous sommes manipulées par je ne sais qui. Nous sommes simplement des femmes des quartiers qui se soulèvent pour dire : nous sommes là et vous devez nous écouter comme vous avez écouté tout le monde ! Une démocratie ne peut se construire qu'en entendant tous ses citoyens.

Nassima : De toute façon qui parle de débats ? Vous avez regardé la télé ? Vous avez souvent vu une femme voilée s'exprimer ? Qu'est ce qu'on voit ? Alors que les femmes sont quand même les principales concernées, ce sont majoritairement des hommes qui sont invités à s'exprimer à notre place ! Je dis stop, cela suffit ! On est des femmes mais on a aussi une bouche pour parler et une tête pour réfléchir !
On est citoyenne française, on a les mêmes droits que tout le monde !

Hadidja : Nous les femmes, nous voulons parler ! Ce n'est certainement pas un tel ou un tel qui va s'exprimer à notre place. Aujourd'hui, ce sont des femmes françaises libres qui veulent prendre la parole.

Nassima : Ce sont toujours les mêmes que l'on accepte d'entendre. On en a marre aussi de ces associations de femmes qui prennent la parole à notre place.

Ilhame : Comment Bernard Stasi peut-il affirmer sur Canal Plus que son opinion personnelle a été prise en écoutant Chahdortt Djavann (*), une femme qui est venue plaider en faveur de l'interdiction en parlant devant la commission de ce qui se passait en Iran et en évoquant la lapidation alors que nous sommes des femmes vivant en France. Je veux bien entendre et comprendre la souffrance de cette femme ! Mais qu'on puisse faire de la souffrance d'une iranienne, une souffrance pour les femmes françaises, c'est pas logique ! C'est à la lumière des propos tenus par une femme iranienne qui s'exprime en faisant référence à son contexte iranien que Bernard Stasi vient juger des femmes françaises, des femmes qui sont nées en France. Il faut être sérieux ! Si les femmes iraniennes souffrent parce qu'on leur impose le foulard, doit-on en supporter les conséquences ici en France ? Est-ce qu'on doit nous faire souffrir en nous imposant de l'enlever ? Nous sommes très attachées à la démocratie et à la liberté de culte pour chacun et chacune.

Fidès : Avez-vous prévu d'autres manifestations ?

Kadidja : On souhaite lancer un vrai mouvement populaire où tous les citoyens français pourront dialoguer et communiquer entre eux. Que personne ne se trompe : cette affaire ne concerne pas uniquement les femmes musulmanes. Les femmes ont toujours payé : elles sont les premières à être licenciées. Elles sont moins payées que les hommes et cette manifestation, c'est aussi une façon de dire haut et fort : cela suffit ! Ce sont toujours les gens les plus démunis de ce pays qui prennent ! Pour moi, cette future loi sera un texte discriminatoire avant tout. Et je voudrais aussi profiter de l'occasion pour m'adresser à Monsieur Allègre qui a tenu des propos scandaleux sur le plateau de Campus dans l'émission de Guillaume Durand. Je voulais lui dire que pour un ancien ministre de l'éducation nationale tenir de tels propos est très grave ! Dans un pays où l'on prône l'intégration, l'égalité des chances, il nous a clairement montré que nous resterons toujours des enfants issus de l'immigration. Mais nous sommes français et j'ai l'impression que Claude Allègre semble l'oublier. Il nous a renvoyés à notre place quand il a dit en quelque sorte : " Rappelez-vous que vos parents sont des immigrés !" Et moi, je réponds à Monsieur Allègre : ils le sont peut-être mais nous on ne l'est plus !

Dans son livre " Bas les Voiles " Chahdortt Djavann, une française d'origine iranienne considère que le voile relève de la maltraitance. L'auteur fustige également ceux qui défendent le voile en France et ailleurs, et considère qu'il y a une "bizarre odeur de sacristie oecuménique" qui "plane sur la pensée française depuis quelque temps".

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Manifestation:
 Contre une loi anti voile
Dimanche 21 décembre 2003
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