Laïcité
Légèrement crispé sur les bords
Beaucoup de femmes et d'hommes se sont mobilisés pour dire non à une loi interdisant le foulard dans les écoles. Dimanche, les musulmanes semblaient bien décidées à se faire entendre. Le pari est-il gagné ? C'est une autre paire de manche !
En ce qui concerne la mobilisation, les musulmanes voulaient être vues. Elles peuvent être satisfaites et en ce sens la marche de dimanche a été une réussite.
A l'intérieur du cortège, l'ambiance était à la fête. Couleurs, sons, slogans et bonne humeur, la panoplie était totale.
Mais sur les côtés, l'ambiance était nettement plus pesante et beaucoup moins chaleureuse !
Je ne parlerais pas ici, du service d'ordre " essentiellement " masculin tant cette remarque me semble inadaptée. Pourquoi sous prétexte que ce sont des musulmanes et des musulmans qui défilent, la sécurité aurait du être plus féminine que dans d'autres manifestations ?
Je ne parlerais pas non plus des participants moitié hommes et femmes et ce pour les mêmes raisons, même si on peut déplorer, que beaucoup d'hommes soient restés en dehors du cortège comme s'ils avaient besoin de prouver que les femmes musulmanes étaient libres et non soumises ! Pour ma part, je ne veux pas penser que cette séparation hommes-femmes aient été voulues en vertu d'un principe de non-mixité ! En ce qui me concerne, j'ai pu interroger les participantes sans qu'aucun frère ou mari ne viennent m'interrompre.
Personnellement, je préfère aborder, le climat particulier qui régnait aux abords du cortège. Evidemment, tous les hommes et loin de là, ne sont pas concernés, ni même visés par les propos qui suivent.
L'attitude de certains à l'encontre des journalistes présents m'a particulièrement choqué ! Une manifestation organisée par des femmes qui veulent se faire entendre et être écoutées et où la presse n'est pas la bienvenue, voilà qui a de quoi surprendre !
Même si certains s'exprimaient en Arabe, il ne fallait pas être grand clerc pour savoir que les propos tenus n'étaient guère plaisants à leur égard surtout que d'autres ont exprimé leur défiance dans un français parfaitement compréhensible : " Ne leur répondez pas, ce sont tous des pourris ! " " Ne perdez pas votre temps avec eux ! "
Eh oui, le spectacle se déroulait là également : ainsi, on pouvait voir notamment, quelques journalistes dégoulinants sous la pluie prendre quelques notes à la hâte, surveillés par plusieurs paires de yeux qui n'étaient guère chaleureux.
Je caricature certes car certains journalistes ont été mieux reçus que d'autres et ce fut notamment mon cas. Les musulmans ont-ils trouvé chez moi une meilleure écoute où le fait que je me prénomme Farid a-t-il été déterminant ? Mystère ! Et je vous laisse le soin de deviner la réponse !
En attendant, devant un tel comportement, il n'est pas étonnant que les journalistes aient eu l'impression que cette manifestation était placée sous contrôle.
D'ailleurs, de vous à moi, peu importe qui a organisé ce rassemblement puisque les femmes étaient satisfaites d'être là, qu'elles ont pu s'exprimer et c'est déjà pas si mal !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les musulmans se méfient des journalistes. Questionnés, certains se sont laissés aller m'expliquant que les médias ne les apprécient guère, que les journalistes ne racontent jamais la vérité et ne montrent que des musulmans non représentatifs pour discréditer l'islam, qu'ils font de la désinformation et que sais-je encore !
Un sentiment de défiance que l'on retrouve aussi chez les femmes : " Vous voyez cette femme entièrement voilée" me dit Myriama, " Eh bien, vous allez voir qu'ils vont nous la passer aux infos de ce soir ! Pourtant, je ne sais même pas si elles sont dix dans toute la manif ! "
Je pense aussi à Fatim qui me disait hier soir: " Ils parlent de nous, mais ils ne nous connaissent pas ! " Il semble que dans ces conditions, ce n'est pas demain la veille que vous allez faire connaissance !
Quoiqu'il en soit, les femmes que nous avons rencontrées hier s'exprimaient sans contrainte et ce n'est pas quelques hommes qui auraient pu les museler :
" Ne soyez pas méchants avec nous quand vous écrirez votre article ! " C'est sans doute tout le malaise de la communauté qui est ainsi résumé dans la phrase de Sonia !
Lundi 22 décembre 2003
