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Lundi 13 janvier
Stéphane Brume
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1 Le complot familial
Après sa garde à vue, Abderazak Besseghir est écroué le 1er janvier à Fleury-Mérogis (Essonne) dans le quartier des "détenus à haut risque". Ce jeune français de 27 ans, d'origine algérienne est accusé d'"association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste" et son dossier est confié à un juge antiterroriste.
Immédiatement après son arrestation, le jeune homme affirme être victime d'un complot organisé par sa belle famille destiné à venger leur fille Louisa.
Le 7 juillet 2002, un incendie ravage une pièce du pavillon de Bondy. Louisa son épouse décède le 2 septembre des suites de ses brûlures. Les enquêteurs constatent des marques sur ses poignets qui attestent de tentatives de suicide avortées. Ils retiennent donc le témoignage de son mari : Louisa dépressive se serait immolée par le feu en se versant du White Spirit sur la tête. L'affaire est classée mais la belle famille reste persuadée qu'Abderazak est responsable de la mort de leur fille. Ils tentent vainement de récupérer la garde de leur petit-fils.
Le 3 janvier, Me Gilbert Collard, l'avocat des Béchiri, après avoir réfuté la thèse du complot familial, rapporte au journal Le Figaro les propos tenus par ses clients à l'égard de leur gendre : "Pour nous, Louisa est morte brûlée à la suite d'une dépression liée à l'évolution de ses conditions de vie. [...]" Abderazak Besseghir forçait son épouse à vivre selon le "Coran des talibans". Il avait brutalement basculé dans l'intégrisme pour des raisons que nous ignorons.»
Quant aux parents et aux sept frères et soeurs de Besseghir, ils font bloc : Abderazak n'est pas un intégriste. Ils soutiennent eux aussi, la thèse de la vengeance familiale. D'ailleurs, affirment-ils M.Hir est un ami de la belle famille preuve en est qu'il assistait aux fiançailles du jeune couple.
2 Le coup de
théâtre
Rebondissement spectaculaire: jeudi 9 janvier, Marcel Le Hir, l'ex militaire reconverti dans la sécurité et de temps à autre faisant de la figuration dans des films pornos avoue aux enquêteurs qu'il a menti. Il reconnaît avoir été recruté pour "perdre le jeune bagagiste", par Patrick Pouchoulin, un détective privé de 47 ans, "ami" des Béchiri.
Ce dernier reconnaîtra les faits. Placés tous les deux en garde à vue, des poursuites sont engagées à leur encontre pour dénonciations calomnieuses et dénonciation d'un crime ou délit imaginaire. Le dossier est suivi dorénavant par un juge d'instruction du tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis, Roger Le Loire.
Ahmed Béchiri, le père de Louisa, malgré les aveux des deux compères nie toute implication dans un quelconque complot, «Nous n'avons jamais voulu faire de mal à Abderazak, a-t-il déclaré. Ma famille n'a plus de lien avec lui depuis sept mois, mais je souhaite le rencontrer dans les plus brefs délais pour que l'on s'explique. Je me mets à la disposition de la justice, si elle en éprouve le besoin.»
Quant à M.Besseghir, celui que l'on présentait comme un taliban, il sera libéré le vendredi 10 janvier.
Pour la famille du jeune homme, c'est un véritable soulagement : «Nous avons toujours cru à son innocence. Dans ses lettres, on voyait bien qu'il était abasourdi. Mon frère, c'est le contraire d'un taliban. On l'a fait passer pour un terroriste alors que nous sommes de simples musulmans qui pratiquons l'islam de France. D'ailleurs, on ne fait pas toujours nos prières au bon moment...» déclare Hichem son plus jeune frère.
"Mon client a subi une épreuve, accusé de terrorisme lui qui déteste la violence" mais "sa libération ne faisait aucun doute" puisqu' «aucun élément matériel n'impliquait mon client» et qu'il «ne fait partie d'aucun réseau terroriste. Sa libération apparaissait inéluctable depuis quelque temps. Le juge d'instruction a donc naturellement accédé à la demande de liberté que j'avais formulée, les armes ayant été déposées à son insu dans le coffre de sa voiture. La justice a bien fonctionné», a précisé de son côté, l'avocat du bagagiste.
3 L'enquête continue
L'affaire est devenue aujourd'hui une simple affaire de droit commun.
Selon les enquêteurs, les parents de Louisa auraient demandé à un de leur ami détective privé, M.Pouchelin d'enquêter sur la mort de leur fille : un meurtre dont ils restent persuadés qu'il a été maquillé en suicide.
Mais dans la première quinzaine de décembre, la famille Bécheri est à bout, elle n'a toujours pas obtenu justice.
M. Pouchelin recrute Marcel Le Hir. Ensemble, ils filent le jeune bagagiste et le "duo d'enfer" planifie "la vengeance". L'idée de le supprimer est également abordée. Finalement, elle sera rejeté au profit du "complot". C'est un troisième complice, un oncle de Louisa qui fournira les armes et le TNT.
Ce matin du 28 décembre, les trois compères prennent Abderazak en filature. Marcel le Hir le suit comme son ombre quant au détective Pouchoulin, il se concentre sur le véhicule stationné dans le parking. Il l'ouvre grâce à un passe-partout. Deux sacs remplis de "preuves" sont ainsi déposés à l'endroit de la roue de secours. Les comparses penseront même à laisser des traces de TNT sur la banquette arrière du véhicule ainsi que sur le siège auto du bébé. Puis ils apportent la "touche finale" : dans la boite à gants, ils placent une publicité pour une combinaison militaire anti-radiation ainsi qu'un document propalestinien concernant le massacre de Sabra et Chatila. Enfin, ils peuvent refermer la voiture avant de s'évanouir dans la nature.
Marcel Le Hir termine sa filature et entre en scène. Il alerte la police en venant leur raconter qu'il a vu dans le parking de Roissy, une scène très suspecte : un homme manipulant une arme placée dans le coffre de son véhicule.
Mais son téléphone portable a parlé : les appels passés depuis son appareil mènent les enquêteurs sur la trace de Pouchelin et ce dernier les ramène à la belle famille.
La police continue de rechercher le troisième complice "le cerveau", un membre de la belle famille.
Reste également à la CRIM de savoir où et comment, "le trio d'enfer" a pu se fournir des explosifs et des armes "prêtes à l'emploi".
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